La conclusion d’accords
collectifs aménageant les règles prévues par le Code du Travail est banale dans
le secteur privé, mais la situation est historiquement différente dans la
fonction publique.
Les agents étant par principe
dans une situation législative et règlementaire, aucune force contraignante
n’était reconnue à ce type d’accords. (CE, 15 octobre 1971, n° 78788 ; Circulaire
relative à la négociation dans la fonction publique du 22 juin 2011)
La donne est toutefois en train
de changer.
Un nouveau régime est désormais
fixé par trois textes récents :
–la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ;
–l’ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique ;
-le décret n° 2021-904 en date du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique.
Un premier accord a été conclu,
le 13 juillet 2021, par les organisations syndicales de la fonction publique,
les employeurs publics et le ministère de la transformation et de la fonction
publique sur le fondement de ces nouvelles dispositions.
Le cabinet vous propose de faire un tour d’horizon pour comprendre la nouvelle réglementation sur les accords collectifs et les apports de l’accord en date du 13 juillet 2021.
I- LA NOUVELLE REGLEMENTATION
EN MATIERE D’ACCORDS COLLECTIFS DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Les points forts de la réforme
sont les suivants.
Qui est compétent pour
négocier les accords collectifs ? (Article 8 bis IV)
Seules les organisations
syndicales représentatives sont compétentes pour engager des négociations.
Il s’agit de celles qui
disposent d’au moins un siège :
– au sein du Conseil commun de
la fonction publique ;
– ou au sein des comités
sociaux placés auprès de l’autorité administrative ou territoriale compétente ;
– ou au sein des instances
exerçant les attributions conférées aux comités sociaux.
L’ordonnance prévoit que pour les
collectivités territoriales ou les établissements publics qui ne disposent pas
d’un organisme consultatif, l’organisme consultatif de référence est le
comité social territorial du centre de gestion le plus proche du périmètre
des agents concernés par l’accord.
Par ailleurs, des accords peuvent
être conclus à un échelon administratif inférieur ne disposant pas d’un organe
consultatif. Néanmoins dans ce cas l’organisation syndicale habilitée à signer
l’accord est celle qui a obtenu la majorité aux dernières élections professionnelles
à l’échelon administratif de proximité supérieur le plus proche du périmètre
des agents concernés par cet accord.
Dans quels domaines conclure
un accord collectif ? (Article 8 ter)
Les accords collectifs à valeur
réglementaire peuvent être conclus dans les domaines prévus à l’article 8 ter
de l’ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 :
« 1° Aux conditions et à l’organisation du
travail, notamment aux actions de prévention dans les domaines de l’hygiène, de
la sécurité et de la santé au travail ;
« 2° Au temps de travail, au télétravail, à la
qualité de vie au travail, aux modalités des déplacements entre le domicile et
le travail ainsi qu’aux impacts de la numérisation sur l’organisation et les
conditions de travail ;
« 3° A l’accompagnement social des mesures de
réorganisation des services ;
« 4° A la mise en œuvre des actions en faveur de
la lutte contre le changement climatique, de la préservation des ressources et
de l’environnement et de la responsabilité sociale des organisations ;
« 5° A l’égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes ;
« 6° A la promotion de l’égalité des chances et
à la reconnaissance de la diversité et la prévention des discriminations dans
l’accès aux emplois et la gestion des carrières ;
« 7° A l’insertion professionnelle, au maintien
dans l’emploi et à l’évolution professionnelle des personnes en situation de
handicap ;
« 8° Au déroulement des carrières et à la
promotion professionnelle ;
« 9° A l’apprentissage ;
« 10° A la formation professionnelle et à la
formation tout au long de la vie ;
« 11° A l’intéressement collectif et aux
modalités de mise en œuvre de politiques indemnitaires ;
« 12° A l’action sociale ;
« 13° A la protection sociale complémentaire
;
« 14° A l’évolution des métiers et la gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences. »
Dans les autres domaines, la
négociation reste possible sans toutefois que le résultat de ces discussions ne
puisse revêtir un caractère réglementaire – la situation antérieure à la
réforme de 2021 se maintient donc dans tous les domaines hors du champ de
l’article 8 ter de l’ordonnance.
Quels sont les différents
types d’accords prévus par les textes ? (Article 8 bis II et III)
Les organisations syndicales
représentatives de fonctionnaires et les autorités administratives et
territoriales compétentes peuvent conclure des :
– accords portant sur les
différents domaines précités (article 8 ter de l’ordonnance) au niveau
national, local ou à l’échelon de proximité ;
– accords-cadres en commun pour
la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la
fonction publique hospitalière, soit pour l’une des trois fonctions publiques,
soit pour un département ministériel ainsi que ses établissements publics pour
définir la méthode applicable aux négociations (modalités, calendrier, etc.). ;
– accords de méthode avant
l’engagement d’une négociation qui portent sur les différents domaines de
l’article 8 ter de l’ordonnance.
Quelles sont les conditions de
négociation fixées par les textes ? (Article 8 quinquies, Articles
1 et 2 décret n° 2021-904)
La demande
d’ouverture des négociations est à l’initiative de l’organisation syndicale
représentative.
Il appartient
ensuite à l’autorité administrative ou territoriale compétente de vérifier la
compétence de négociation de ladite organisation.
Les modalités
à respecter pour l’ouverture des négociations sont précisées à l’article 3 du
décret n° 2021-904 :
1- La demande
d’ouverture des négociations doit être écrite ;
2- L’autorité
administrative ou territoriale compétente doit accuser réception de la demande
dans un délai de 15 jours ;
3- Ladite
autorité doit ensuite inviter par écrit et dans un délai de deux mois suivant
la réception de la demande d’ouverture des négociations les organisations
syndicales représentatives à une réunion pour déterminer si les conditions pour
leur ouverture sont réunies.
4- Suite à
la réunion, l’autorité administrative ou territoriale compétente doit notifier
sa réponse aux organisations syndicales dans un délai de quinze jours.
Afin de
s’assurer de la capacité de négociation des intervenants, un accord de méthode
peut être conclu entre l’organisation syndicale représentative et l’autorité
administrative ou territoriale compétente afin de prévoir une formation à la
négociation destinée aux participants.
Par
ailleurs, les réunions de préparation et de négociations peuvent être tenues à
distance selon les modalités fixées à l’article 2 du décret n° 2021-904.
Quelles
sont les modalités obligatoires ? (Article 8 octies, Article 5 décret
n° 2021-904)
Un comité
de suivi doit être désigné pour l’exécution de l’accord signé.
Par
ailleurs, chaque accord doit fixer un calendrier de mise en œuvre et, le cas
échéant, la durée de leur validité ainsi que les conditions d’examen par le
comité de suivi des mesures qu’il implique et leurs modalités d’application.
Qui est compétent pour signer les
accords collectifs ? (Article 8 quater)
– Les organisations
syndicales représentatives de fonctionnaires ayant recueilli à la date de la
signature de l’accord au moins 50% des suffrages exprimés en faveur des
organisations habilitées à négocier lors des dernières élections
professionnelles au niveau auquel l’accord est négocié.
– Les
autorités administratives compétentes ou les autorités administratives
chargées par les autorités compétentes après approbation des dispositions
négociées par cette dernière.
–
Dans certains cas prévus par
l’ordonnance, la signature est soumise à l’approbation des ministres chargés du
budget et de la fonction publique ainsi que celle de l’autorité territoriale ou
l’organe délibérant pour les accords conclus par les collectivités
territoriales et établissements publics.
Quelles sont les modalités de publication des accords
collectifs ? (Article
8 octies, Articles 4 et 6 décret n° 2021-904)
L’autorité administrative ou territoriale compétente
doit sans délai transmettre l’accord au Conseil supérieur compétent
pour la fonction publique concernée, ou si deux fonctions publiques sont
concernées, au Conseil commun de la fonction publique.
Les accords conclus par le directeur d’un
établissement public relevant de la fonction publique hospitalière doivent être
transmis, avant publication, au directeur général de l’agence
régionale de santé (ARS) dont dépend l’établissement afin qu’il vérifie la
conformité de l’accord.
La publication des accords doit être
réalisée par l’autorité administrative ou territoriale compétente.
Lorsque l’accord collectif comporte
des clauses édictant des mesures réglementaires, ledit accord doit faire
l’objet d’une publication dans les mêmes conditions que les actes
administratifs.
En absence de clauses réglementaires,
le décret autorise une publication par tout moyen approprié, dès lors qu’elle
assure une publicité suffisante que ce soit auprès des agents que des
organisations syndicales.
L’accord doit par ailleurs être
accessible par l’ensemble des agents sur un espace numérique dédié.
Les accords entrent en vigueur le lendemain de leur
publication sauf s’ils prévoient une date d’application ultérieure.
Quelle est la portée des
clauses incluses dans un accord collectif ? (Articles 8 bis V et 8
sexies)
Les accords qui portent sur les
domaines de l’article 8 ter ont désormais une portée réglementaire.
Le législateur reconnait une
véritable force contraignante aux accords conclus dans lesdits domaines alors qu’aucune
valeur juridique n’était jusque-là reconnue par les textes et la jurisprudence.
La valeur réglementaire de
certaines dispositions intégrées dans un ces accords est néanmoins expressément
exclue lorsqu’elles :
- portent sur des règles que la loi a chargé un
décret en Conseil d’État de fixer ;
- modifient des règles fixées par un décret en
Conseil d’État ou qui autorise d’y déroger.
Par ailleurs, tel que déjà
précisé, dans les domaines autres que ceux prévus à l’article 8 ter le régime
antérieur continu à s’appliquer (accords sans portée réglementaire).
Comment remettre en cause les clauses d’un accord collectif ? (Article
8 octies III, Articles 7, 8, 9 et 10 décret n°
2021-904)
L’organisation syndicale siégeant
au sein de l’organisme consultatif de référence doit être informé de la
modification, suspension ou dénonciation d’un accord.
La modification d’un accord
collectif : Les accords collectifs peuvent être modifiés par
l’autorité administrative ou territoriale compétente ainsi que par les
organisations signataires représentant la majorité au moins des suffrages
exprimés.
La suspension d’un accord
collectif : l’autorité administrative peut suspendre un accord pendant
une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois, en cas de situation
exceptionnelle (les textes ne précisent pas les critères à retenir pour la
qualification de cette situation). La suspension doit néanmoins être motivée.
La dénonciation de l’accord
collectif : les clauses d’un accord peuvent faire l’objet d’une
dénonciation totale ou partielle par les signataires. Lorsque la dénonciation
émane des organisations syndicales, elle doit respecter la règle de majorité
fixée au I de l’article 8 quater et intervenir à la suite d’un préavis d’une
durée d’un mois.
Par ailleurs, lorsque l’accord comporte des clauses à portée réglementaire, celles-ci restent en vigueur jusqu’à ce que le pouvoir réglementaire ou un nouvel accord les modifie ou les abroge.
II- L’ACCORD DU 13 JUILLET
2021 SUR LE TELETRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Le 13 juillet dernier, le premier
accord-cadre sur la mise en œuvre du télétravail été signé entre les neuf
organisations syndicales de la fonction publique, les employeurs publics et le
ministère de la transformation et de la fonction publique.
Le télétravail dans la fonction
publique est encadré selon les modalités suivantes.
L’éligibilité au télétravail :
L’éligibilité doit être fixée par
activité et non par poste dans le cadre d’un dialogue social.
La durée hebdomadaire :
L’accord limite, à compter du 1er
septembre 2021, le télétravail à raison de 3 jours par semaine et
suppose une demande de l’agent public et une autorisation de l’employeur.
Une exception à cette limitation
est prévue pour les agents proche aidants ainsi que les femmes enceintes qui
pourront faire une demande de télétravail plus étendue sans accord préalable du
médecin du travail.
Le lieu du télétravail :
Le télétravail peut avoir
lieu :
- Au domicile de l’agent ;
- Tout autre lieu privé ou à usage
professionnel ;
- Tiers lieu mis à disposition par l’employeur ou
espace de travail.
Les obligations de l’employeur :
L’employeur doit permettre à l’agent
d’avoir accès aux outils numériques à distance nécessaires pour exercer son
activité et échanger avec sa hiérarchie, collègues et usagers.
Il doit par ailleurs avant
l’instauration du télétravail mettre en œuvre un dialogue social de proximité
pour définir son organisation et les obligations de chacun.
Les droits et obligations de
l’agent public en télétravail :
L’agent est soumis aux mêmes
obligations et dispose des mêmes droits que les agents qui effectuent le service
en « présentiel ».
Il est prévu pour les fonctions
publiques de l’État et hospitalière une indemnisation forfaitaire à hauteur de
2,50€ par jour de télétravail pour les frais qui en découlent.
Cette indemnisation est limitée à
220€ par an et son règlement sera trimestriel.
S’agissant de la fonction
publique territoriale, l’accord prévoit la possibilité pour chaque collectivité
de fixer librement le montant de cette indemnisation avant le 31 décembre 2021.
La date d’entrée en vigueur
effective de l’accord sur le télétravail :
Le décret et l’arrêté
d’application de cet accord sont attendus dans le courant de l’été afin de
rendre ces dispositions effectives à compter du 1er septembre 2021.
Les dispositions des accords
collectifs deviennent ainsi de véritables règles juridiques qui s’imposent aux
employeurs et aux fonctionnaires lorsqu’elles acquièrent un caractère
réglementaire. La méconnaissance de l’une de ces dispositions pourra désormais être
soulevée devant le Juge Administratif et entraîner l’annulation de décisions
contraires.
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Le Cabinet OVEREED accompagne les
employeurs publics et les fonctionnaires en conseil et au contentieux.