Mise en place du télétravail,
droit de retrait des salariés, mesures préventives à mettre en œuvre, etc. alors
que les Ministres du Travail, de la Santé et de l’Economie viennent de publier
sur le site du Ministère du Travail un « Questions/Réponses » en
vingt-deux points à destination des entreprises et des salariés (https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/coronavirus-questions-reponses-pour-les-entreprises-et-les-salaries), retour sur quelques
notions essentielles à avoir en tête en tant qu’employeur pour faire face à cet
épisode exceptionnel.
- LES CONSIGNES DONNEES PAR LE GOUVERNEMENT AUX TERMES DU QUESTIONS-REPONSES DU 28 FEVRIER 2020
Consigne
numéro 1 donnée par le Gouvernement aux entreprises, éviter les déplacements professionnels dans les zones à
risques,
étant rappelé que ces zones sont susceptibles d’évoluer.
Les employeurs sont donc
invités à consulter régulièrement les mises à jour sur le site https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.
Si
les déplacements sont « déconseillés », ils ne sont pas strictement
interdits pour ceux qui resteraient « impératifs », sous réserve de
suivre les consignes diffusées par le Gouvernement dans ce type de situations.
Consigne
numéro 2, dans le cas où un salarié reviendrait d’une zone à risque ou
aurait été en contact avec une personne contaminée, il est conseillé à l’employeur,
pendant la période de vigilance, fixée à 14 jours, de :
- réorganiser le poste de
travail après
analyse des risques en privilégiant le
télétravail ;
- si
le télétravail n’est pas possible, faire
en sorte que le salarié évite les lieux où se trouvent des personnes fragiles,
toute sortie ou réunion non indispensable (conférences, meetings, etc.), les contacts proches (cantine,
ascenseurs, etc.).
Tout salarié revenant
d’une zone à risque ou ayant été contact avec une personne contaminée est,
quant à lui, tenu de prévenir son employeur. Rappelons que
les salariés sont aussi acteurs de leur santé et sécurité et de celles des
personnes qu’ils côtoient dans le cadre professionnel.
Par
ailleurs, au titre des aménagements possibles, l’Administration considère que
la situation actuelle relève des « circonstances
exceptionnelles » visées par l’article L 3141-16 du code du travail
permettant de « modifier l’ordre et
les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue ».
L’employeur
est donc autorisé à modifier les dates de congés des salariés (pour les
congés déjà posés) dans le but de respecter les préconisations pour les
salariés de retour de zone à risques ou ayant été en contact avec des
personnes. La pose de JRTT, pour ceux qui restent à la libre disposition de
l’employeur, est également possible, dans les conditions de l’accord collectif
qui les institue.
Des
dispositifs de modulation du temps de travail peuvent également être envisagés
dans des conditions dérogatoires.
L’Administration
traite également l’hypothèse où aménagement du poste et télétravail ne seraient
pas possibles et autorise l’employeur à demander à son salarié de rester à son
domicile.
Dans
ce cas, le salarié peut prendre contact avec l’agence régionale de santé
(via le portail web www.ars.sante.fr
ou la plateforme téléphonique nationale), afin qu’un médecin habilité
par celle-ci procède le cas échéant à l’établissement d’un avis d’arrêt
de travail spécifique, correspondant à la durée d’isolement préconisée.
Ce
ne sont donc ni le Médecin traitant, ni le Médecin du travail qui délivrent ce
type d’avis.
Si
le salarié ne bénéficie pas d’un arrêt de travail délivré par le médecin de
l’ARS, mais que l’employeur lui demande de ne pas se présenter à son travail, sa
rémunération est maintenue et sa période d’absence assimilée à une période
normalement travaillée ouvrant le bénéfice aux mêmes droits que les salariés
présents dans l’entreprise.
En cas de placement d’un
salarié en quarantaine, pendant 14 jours (mesure prescrite par le
médecin de l’Agence régionale de santé, à ce jour, pour les seuls salariés en
en provenance de certaines zones à risques), le contrat de travail est suspendu pendant cette période.
Les droits à indemnisation du salarié sont alors
identiques à ceux prévus en cas d’arrêt de travail : IJSS, sans carence,
et complément employeur dans les conditions légales et conventionnelles
Un salarié dont l’enfant fait l’objet d’une mesure
d’isolement peut également bénéficier d’un arrêt spécifique délivré par un
médecin de l’ARS, pour la durée de la période d’isolement. Le salarié bénéficie
alors également des IJSS, sans carence, ainsi que de l’indemnisation
complémentaire légale ou conventionnelle.
Consigne
n°3, dans le cas où l’un des salariés de l’entreprise serait contaminé ou de
« doute sérieux », l’employeur doit consulter le site https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus, rappelant les mesures immédiates
à prendre d’un point de vue individuel, mises à jour. Il doit inviter le salarié à en faire de même et contacter le 15.
Il
est également conseillé de communiquer, auprès des autres salariés, les mesures
publiées sur le site et de mettre en œuvre les préconisations (éviter les
réunions qui peuvent l’être, organiser le télétravail, la vidéoconférence,
éviter le contact avec les personnes fragiles, femmes enceintes, malades
chroniques, personnes âgées, etc.).
Le
Gouvernement demande aux entreprises de procéder au nettoyage complet des
locaux et à la désinfection des sols et surfaces.
En
ce qui concerne l’équipement du personnel de nettoyage, les préconisations
consistent en le « port d’une blouse
à usage unique, de gants de ménage (le port de masque de protection
respiratoire n’est pas nécessaire du fait de l’absence d’aérosolisation par les
sols et surfaces) ».
Selon
les préconisations actuelles, les déchets de nettoyage n’ont pas à suivre une
filière spécifique.
A noter : les employeurs doivent
consulter les représentants du personnel (CSE) pour toutes les modifications
importantes touchant à l’organisation du travail ; Toutefois, au cas
présent, les mesures conservatoires immédiates sont admises avant que n’ait
lieu effectivement la consultation.
- EN AMONT, TOUT EMPLOYEUR EST TENU D’UNE OBLIGATION GENERALE DE SECURITE A L’EGARD DE SES SALARIES QUI PASSE EN PREMIER LIEU PAR DES MESEURES DE PREVENTION DES RISQUES (art. L. 4121-1 et s. du code du travail)
Il est attendu des
employeurs qu’ils communiquent et diffusent
les consignes sanitaires générales délivrées
par le Gouvernement à l’ensemble du personnel.
L’employeur
devra également tenir à jour son DUE (document unique d’évaluation des
risques).
Il semble prudent pour
les entreprises accueillant du public, les transports, etc. de prévoir des
mesures de nettoyage et désinfection plus poussées ou régulières.
Au-delà de la limitation
des déplacements en zone à risque, il est conseillé d’éviter les situations
pouvant générer un risque.
Ainsi, le recours à la
visioconférence est encouragé, comme le télétravail s’il est possible.
RAPPEL DES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DU TELETRAVAIL
Depuis le 24 septembre 2017, le
télétravail peut être mis en place :
– par un accord collectif
– par le biais d’une charte
élaborée par l’employeur soumise pour avis au Comité social et économique (CSE) ;
– en l’absence d’accord
collectif ou de charte, par accord individuel entre l’employeur et le salarié.
Il est à souligner que la code du travail
prévoit expressément le recours au télétravail « en cas de circonstances
exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie » dans ce cas,
pour la durée de l’épisode exceptionnel, « la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un
aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité
de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés »
et donc être imposée au salarié (art. L. 1222-11 du code du travail).
Dans les cas de mise en place unilatérale,
le recours au télétravail est formalisé par tout moyen. Il peut d’onc s’agir
d’un courrier, d’un mail, ou d’un avenant au contrat de travail si l’accord du
salarié est souhaité.
Quand bien même le code du travail n’exige
pas de formalisme particulier, il demeure important de définir précisément les
conditions dans lesquelles s’exécutera le télétravail afin d’éviter toute
contestation.
Le télétravailleur est soumis aux durées
légales et conventionnelles du travail, notamment en termes de repos quotidiens
et hebdomadaires, de durées maximales du travail, de congés payés etc.
L’employeur a, par ailleurs, l’obligation
mais également et évidemment intérêt, à fournir au salarié les moyens d’exercer
ses missions.
- LE DROIT DE RETRAIT DE SALARIES
En vertu des
articles L. 4131-1 et suivants du code du travail, un travailleur peut se
retirer d’une situation de travail dont il estime qu’elle « présente un
danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ».
La légitimité
du droit de retrait repose sur le fait qu’au moment du retrait, le
salarié ait un motif raisonnable de penser/de croire qu’il existait pour lui un
danger, et cela peu importe que par la suite l’analyse de la situation ait
finalement conclu à l’absence de tout danger réel et prévisible.
Il y a donc une
importante subjectivité dans cette appréciation. La situation est, par
conséquent, juridiquement assez incertaine.
Il appartient à
l’employeur d’évaluer la situation et d’apprécier l’existence ou non d’un
risque suffisamment sérieux justifiant le droit de retrait et de prendre les
mesures de prévention ou mettant fin au risque, ou à l’inverse de conclure à
l’absence de risque et imposer un retour à l’emploi.
Le droit de
retrait exercé légitimement n’entraine pas de perte de salaire et ne peut être
sanctionné.
C’est, en
dernier lieu, en cas de contentieux, au juge qu’il revient d’apprécier la
légitimité du droit de retrait.
Le Questions/Réponse distingue pour sa part deux situations :
– Le cas du salarié à qui il est demandé de se rendre dans une zone à risque,
Le Gouvernement
rappelle la préconisation essentielle qui consiste, hors déplacement impératif,
à ne pas se rendre dans les zones à risques ainsi que les recommandations
disponibles et actualisées sur https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus.
Si ces recommandations ne sont pas suivies, et sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, le salarié peut exercer son droit de retrait.
– Le cas du salarié dont un collègue revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée.
Dans ce cas,
pour l’Administration, si les recommandations sont bien suivies, « le risque pour les autres salariés
est limité puisque, d’après les données épidémiologiques disponibles à ce jour,
seul un contact rapproché et prolongé avec des personnes présentant des symptômes
pourrait les contaminer ».
Le
Gouvernement rappelle néanmoins que ces « positions » restent
soumises à l’appréciation souveraine des juges (qui ne manqueront pas
d’analyser, le cas échéant, le caractère véritablement impératif du déplacement
litigieux, les mesures de prévention et de protection mises en place par
l’employeur, la fragilité du salarié, femmes enceintes, etc.).
- LES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES (ET TRAVAILLEURS INDEPENDANTS) IMPACTES PAR CET EPISODE EXCEPTIONNEL
1- Aide des Urssaf
Le 29 février
dernier, l’Acoss a diffusé un communiqué de presse indiquant « afin de tenir compte de l’impact de l’épidémie
de coronavirus sur l’activité de certaines entreprises, le réseau des Urssaf
est mobilisé pour venir en soutien des entreprises qui rencontrent des
difficultés pour déclarer ou payer leurs cotisations. Ainsi, les employeurs ou
travailleurs indépendants ayant subi une perturbation majeure de leur activité
sont invités à se rapprocher de l’Urssaf afin que la solution la plus adaptée
soit trouvée. Ces demandes seront traitées de manière prioritaire par
l’organisme. »
Sont évoquées la
possibilité d’échelonnements et délais de paiement faveur des entreprises, ainsi
que des remises de majorations et pénalités de retard sur la période ciblée.
Pour les
travailleurs indépendants, il est également possible de demander une
anticipation de la régularisation annuelle afin d’obtenir un « recalcul »
des cotisations cohérent avec la santé de l’entreprise, et d’obtenir un nouvel
échéancier de paiement des cotisations provisionnelles, ou de solliciter
l’intervention de l’action sociale pour la prise en charge partielle ou totale
des cotisations au titre de l’aide aux cotisants en difficulté, ou pour
l’attribution d’une aide financière exceptionnelle.
Les entreprises sont invitées à formuler leurs demandes via leur espace en ligne sur urssaf.fr, via la rubrique : « Une formalité déclarative » / « Déclarer une situation exceptionnelle ».
2- Aides en cas de réduction d’activité ou de fermeture temporaire
Par
ailleurs, deux dispositifs sont à disposition des employeurs contraints)
réduire leur activité du fait de l’épisode de coronavirus :
- L’activité partielle (ex « chômage
partiel »), en cas de réduction de la durée du travail en-deçà de la durée
légale ou de fermeture temporaire d’établissement, qui permet de compenser la
perte de rémunération des salariés impactés. Les demandes sont adressées via le
portail https://activitepartielle.emploi.gouv.fr.
- Le bénéfice d’actions de formations cofinancées par le FNE-formation. Les demandes sont instruites par les Direccte/Dieccte.
3- Prise en compte de la force majeure dans les relations commerciales
L’Etat
considère le coronavirus COVID-19 comme un « cas de force majeure »
ainsi les entreprises qui ont des marchés publics d’Etat ne seront pas
pénalisées en cas retard de livraison.
Le
Gouvernement a invité les collectivités territoriales ainsi que les entreprises
privées à prendre la même mesure.
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Le Cabinet
OVEREED répond à vos questions en droit du travail et de la protection sociale.
Pour
toute information, merci de contacter le Secrétariat au 05.96.74.61.55