PROCEDURES COLLECTIVES – Une décision protectrice des créanciers financiers à l’application périlleuse …..
L’article L. 650-1 du Code de Commerce limite la mise en jeu de la responsabilité pour soutien abusif à l’hypothèse d’un comportement anormal du créancier tel que la fraude, l’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou lorsque les garanties fournies sont disproportionnées.
Bien que les contours de la mise en jeu de la responsabilité soient clairement posés, les modalités de l’action ont retenu l’attention de la Haute Juridiction qui, dans un arrêt du 17 juillet 20161, a modifié la matière.
S’il est constant que les praticiens ainsi que les tribunaux cautionnent l’application du droit commun de la responsabilité aux établissements financiers2 (les exemples sont nombreux de décisions qui appliquent le droit commun de la responsabilité lorsque l’action est fondée sur l’obligation de conseil de l’établissement financier), les termes de l’article R. 662-3 du Code de Commerce3 semblaient fonder, jusqu’alors, la compétence du tribunal d’ouverture de la procédure collective pour connaitre de toute action qui relève de la procédure.
Cette solution communément admise trouvait sa justification tant dans la nécessité de pragmatisme et d’uniformité de la matière, que dans l’opportunité de centraliser la procédure entre les mains de ses acteurs.
Or, dans son arrêt du 17 juillet 2016, la Cour de Cassation est revenue sur cette solution de manière, quelque peu, surprenante.
En l’espèce, le liquidateur avait mis en jeu la responsabilité du banquier sur le fondement de l’article L. 650-1 du Code de Commerce devant le tribunal de la procédure collective. Pour rejeter l’exception d’incompétence de ce tribunal, soulevée par le créancier, la Cour d’Appel de Lyon dans un arrêt du 30 octobre 2014 a retenu que « les exceptions au principe d’irresponsabilité visées par l’article L. 650-1 du Code de Commerce sont propres aux procédures collectives et conduisent à considérer que l’action, prévue par un texte d’ordre public figurant au livre VI du code de
Commerce, est liée à la procédure collective et relève donc de la seule compétence du tribunal de cette procédure (…) ».
Or, la Haute Juridiction casse cet arrêt en considérant « qu’en statuant ainsi, alors que la responsabilité d’un créancier à raison des concours qu’il a consentis à un débiteur peut être engagée en dehors d’une procédure collective de ce dernier que l’article L. 650-1 du Code de Commerce se borne à limiter la mise en oeuvre de cette responsabilité, lorsque ce débiteur fait l’objet d’une procédure collective, en posant des conditions qui ne sont pas propres à cette procédure, de sorte que cette action n’est pas née de la procédure collective ou soumise à son influence juridique, la Cour d’appel a violé les textes susvisés (…)».
En effet, pour la Cour « l’action en responsabilité délictuelle intentée par un mandataire liquidateur pour des faits de soutien abusif du débiteur commis avant l’ouverture de la procédure collective n’est ni née de cette procédure, ni soumise à l’influence juridique de celle-ci, que cette solution n’est pas remise en cause par l’article L. 650-1 du code de Commerce, qui se borne à encadrer les conditions de mise en oeuvre de cette responsabilité civile délictuelle (..) que les règles propres à la procédure collective n’exercent en effet aucune influence juridique sur l’appréciation de ces comportements fautifs du créancier antérieurs à la procédure collective, qui doit dès lors relever de la compétence du juge de droit commun (…) ».
Par ailleurs, la Cour rappelle dans son argumentation que « l’article L. 650-1 du Code de Commerce n’écarte nullement l’application des règles classiques de la responsabilité pour soutien abusif nécessitant toujours la preuve d’une faute du créancier, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux (…) ».
Pour en conclure qu’ « en retenant en l’espèce, pour décider que le tribunal de la procédure collective était compétent, que l’action en responsabilité civile pour soutien abusif serait liée à la procédure collective, ne serait-ce que parce qu’elle relève de l’article L. 650-1 du Code de Commerce qui prévoit des exceptions au principe d’irresponsabilité propres aux procédures collectives, cependant que la procédure collective n’exerce aucune influence juridique ni sur l’appréciation de ces exceptions qui relèvent du droit commun, ni sur l’application des conditions traditionnelles de la responsabilité civile délictuelle pour soutien abusif, qui continuent d’être exigées, la Cour d’appel a violé l’article R. 662-3 du Code de Commerce ».
Ainsi, la Cour fonde sa position sur la seule existence du régime de responsabilité de droit commun en considérant que cette matière, n’étant pas propre aux procédures collectives, échappe à la compétence exclusive du tribunal de l’ouverture.
Cette décision, qui paraît favorable aux créanciers financiers, pose de sérieuses limites à l’action des organes de la procédure, confrontés, dans la plupart des dossiers, à une absence quasi totale de fonds rendant anéantissant toute possibilité d’intenter une telle action.
En revanche, cette décision semble généraliser les griefs mentionnés à l’article L. 650-1 du Code de Commerce à la responsabilité de droit commun des apporteurs de fonds.
En effet, en précisant que « l’action en responsabilité délictuelle intentée par un mandataire liquidateur pour des faits de soutien abusif du débiteur commis avant l’ouverture de la procédure collective n’est ni née de cette procédure,ni soumise à l’influence juridique de celle-ci, que
cette solution n’est pas remise en cause par l’article L. 650-1 du code de Commerce, qui se borne à encadrer les conditions de mise en oeuvre de cette responsabilité civile délictuelle (..) que les règles propres à la procédure collective n’exercent en effet aucune influence juridique sur l’appréciation de ces comportements fautifs du créancier antérieurs à la procédure collective, qui doit dès lors relever de la compétence du juge de droit commun (…) », la Cour semble fonder dans les griefs de l’article L. 650-1 du Code de Commerce le comportement fautif du créanciers étendant ainsi ces griefs au mécanisme de droit commun de la responsabilité.
Ainsi, cette solution qui peut trouver sa justification sur des considérations de nécessité économique risque d’emporter, dans son sillage, des difficultés importantes pour les praticiens.
Le cabinet OVEREED se tient à votre disposition pour toute question en procédures collectives.
1 Cass. Com. 12/07/2016, n° 14-29429
2 « Les actions de droit commun du co-emprunteur in bonis emportées dans la spirale de l’irresponsabilité du prêteur », P. Hoang, Rev. Proc. Coll. 2014 2tude 7 ; «La responsabilité pour fourniture de crédit », D. Legeais, RD bancaire et fin. 2014, étude 24 ; Cass. Com. 17 septembre 2013, n° 12-21.871 ; CA Caen 25 juin 2013.
3 Article R. 662-3 du Code de commerce : « (…) le tribunal saisi d’une procédure de sauvegarde ; de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connait de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8, à l’exception des actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l’administrateur, du mandataire judiciaire, de commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance ».
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