Rétablissement de l’obligation de publier les cessions de fonds de commerce dans un journal d’annonces légales : la fin justifie-t-elle les moyens ?
« Le hasard défait bien les choses » : le 16 novembre, au moment où Emmanuel Macron annonçait sa candidature à l’élection présidentielle, entrait en vigueur la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 dont l’article 11ter revient sur une mesure de simplification introduite à peine un an auparavant par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite « loi Macron » et consistant à dispenser l’acquéreur d’un fonds de commerce de publier la cession, outre au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), dans un journal d’annonces légales.
Pour mémoire, l’article L. 141-12 du Code de commerce a longtemps imposé que la cession d’un fonds de commerce fasse l’objet d’une double publicité : dans un journal d’annonces légales d’une part, et au BODACC d’autre part.
L’inobservation de ces règles de publicité, dont l’unique objet est de prémunir les créanciers du cédant contre l’appauvrissement de ce dernier en les informant de l’indisponibilité temporaire du prix de cession, leur permettant de faire opposition au paiement voire de surenchérir, est lourdement sanctionnée.
En effet, si la vente passée en méconnaissance de ces dispositions n’en demeure pas moins valable, l’article L. 141-17 du Code de commerce prévoit l’absence d’effet libératoire du paiement réalisé par le cessionnaires entre les mains du cédant, les créanciers du vendeur conservant indéfiniment le droit de faire opposition au premier paiement et de surenchérir, exposant ainsi le cessionnaire à un risque d’éviction permanent.
Sans revenir sur le principe-même de cette publicité, l’Assemblée Nationale avait décidé, en première lecture de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, de supprimer l’obligation de publication dans un journal d’annonces légales, dans le souci de faciliter et de réduire les coûts des démarches administratives consécutives à la cession de fonds de commerce.
Cette suppression, créatrice d’une économie pour l’acquéreur du fonds de commerce, faisait suite au constat de l’inadéquation de la publication de la cession dans un journal d’annonces légales dont l’accès est rarement gratuit et la diffusion trop localisée.
Prenant acte de ce que la publication au BODACC permettait à elle seule d’assurer une réelle information des tiers, et en particulier des créanciers du cédant, compte tenu de sa diffusion nationale, et, depuis juillet 2015, de son accès entièrement gratuit et dématérialisé, le législateur avait donc opportunément supprimé l’exigence d’une double publication pour ne laisser subsister que celle au BODACC.
De manière parfaitement incohérente, ce même législateur vient de rétablir à l’identique des dispositions abrogées il y a seulement quelques mois, et ce par le biais d’une loi dont on peut sérieusement douter que son objet « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » justifiât l’introduction d’un tel amendement, à propos duquel le Conseil constitutionnel ne s’est pourtant pas saisi d’office, ainsi qu’il a pu le faire avec d’autres « cavaliers législatifs ».
S’il apparaît légitime de garantir des ressources pour les entreprises de presse, l’on peut sérieusement s’interroger sur ce choix qui, en plus de remettre en cause la cohérence de l’action législative, rétablit un système obsolète et, en outre, largement critiquable en termes de sécurité juridique.
En effet, la rigueur de la sanction attachée à l’inobservation des règles de publicité incitera les opérateurs et leur conseil à redoubler de vigilance devant la modification, à seulement quelques mois d’intervalle, d’une disposition pourtant opportune, débattue et largement relayée, et ce d’autant plus que ce retour au statu quo antese trouve noyé dans un flot de dispositions traitant de sujets parfaitement différents.
Enfin, s’il est fort à parier que le rétablissement de l’obligation de double publicité ne s’applique qu’aux cessions conclues à compter du 16 septembre 2016, l’on ne saurait que conseiller, s’agissant des opérations conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi mais pour lesquelles le délai de quinze jours imparti pour la publication de la vente ne serait pas expiré, de procéder, dans le doute, à l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légales, à moins que le législateur ne décide, dans l’intervalle, de changer une nouvelle fois de position.
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