MARCHÉS PUBLICS – REGLEMENTATION – ENTRÉE EN VIGUEUR D’UNE IMPORTANTE RÉFORME EN NOUVELLE-CALEDONIE
En janvier 2020, le droit de la commande publique évolue en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française :
- Réforme en profondeur en Nouvelle-Calédonie,
- Mesures de simplification en Polynésie française.
C’est l’occasion d’évoquer les nouveautés applicables dans ces deux collectivités, en commençant par la Nouvelle-Calédonie.
- Une compétence locale
Le Code de la commande publique « national », entré en vigueur en avril 2019, n’est applicable localement qu’aux marchés et concessions de l’Etat et ses établissements publics.
Dans le respect des principes fondamentaux de la commande publique (liberté d’accès, transparence, égalité de traitement, efficacité de la commande publique et bon emploi des deniers publics), rappelés à l’article 22 de la loi organique statutaire, la Nouvelle-Calédonie réglemente les marchés publics passés par ses institutions et établissements publics ainsi que par les provinces, les communes et leurs établissements publics.
Après plus de cinquante ans de règne, la délibération n° 136/CP de 1967 portant réglementation des marchés publics est remplacée par la délibération n° 424 du 20 mars 2019.
Le nouveau texte s’applique obligatoirement aux consultations engagées dès le 1er janvier 2020, hors marchés de gré à gré lancés à la suite d’un appel d’offres infructueux.
Tour d’horizon synthétique de la réforme dont les acheteurs sont les grands gagnants.
- Economie générale du texte
Les auteurs de la réforme se sont inspirés du droit en vigueur en France hexagonale, tout en l’adaptant assez largement.
La délibération reconduit le seuil de procédure de 20 Millions XPF déclenchant le principe de recours à l’appel d’offres.
Son champ organique d’application est étendu aux GIP.
La réforme fournit aux acheteurs publics de nouveaux instruments permettant de répondre à un réel besoin comme les marchés à bons de commande multi-attributaires et les marchés cadres qui n’existaient pas localement.
Elle insuffle également un alizé de souplesse dans l’achat public par exemple en fixant une assez longue liste de marchés échappant à l’appel d’offres, en réhaussant substantiellement le plafond des avenants ou encore en permettant aux acheteurs de retenir l’offre la moins onéreuse en cas d’équivalence des offres en présence (instituant une sorte de neutralisation des critères autres que le prix).
La procédure adaptée fait son entrée aux côtés de l’appel d’offres et du dialogue compétitif et donc à partir de 20 Millions XPF : c’est l’objet du marché (transport de fonds, commande d’œuvres et d’objet d’art, services d’assurances…) qui permet de recourir à cette forme de « mise en compétition » et non le montant du marché.
La pratique du sourcing est désormais prévue.
Le régime des marchés de gré à gré dits « de l’article 35 » est modernisé et repose dans certains cas sur une mise en concurrence minimale.
La notion d’offre anormalement basse est – enfin – modernisée, un régime plus réaliste et adaptable aux situations concrètes auxquelles sont confrontés les acheteurs figurant désormais comme alternative à la formule arithmétique antérieure.
Côté candidats, un certain nombre de nouveaux réflexes devront être rapidement acquis.
Par exemple, le système de la double enveloppe est abandonné et la composition du dossier de candidature évolue légèrement.
La dématérialisation s’installe un peu plus (elle peut être imposée à partir de 20 Millions XPF – cette mention vient confirmer que sous ce seuil la liberté des acheteurs n’est pas absolue – et doit obligatoirement être acceptée à partir de 40 Millions XPF).
A noter que l’allotissement est érigé en principe, alors qu’il n’était prévu jusqu’ici que s’il procurait un avantage à l’acheteur.
Cette avancée en matière d’accès à la commande publique est toutefois à nuancer car un « marché global non alloti » peut encore être passé sous la barre des 50 Millions XPF pour les marchés de travaux portant sur un objet unique.
De même, la durée maximale des marchés à bons de commande est allongée d’une année par rapport aux « marchés à commande » antérieurs.
En synthèse, la réforme étoffe la palette d’instruments des acheteurs et modernise les procédures de passation. Cette évolution répond sans aucun doute à des besoins que le texte précédent ne permettait pas de satisfaire et d’ailleurs l’audacieux dispositif d’application anticipée facultative de la réforme paraît avoir été instauré pour répondre à certains besoins urgents. Cela étant, la réforme ne donne pas l’impression de réserver autant de progrès et de perspectives pour les entreprises.
- Une occasion (peut-être) manquée sur certains points
Le seuil unique de procédure de 20 Millions XPF (environ 167.000€) demeure inchangé.
Même si la tendance est à l’augmentation des seuils en France hexagonale, ce niveau est élevé en particulier pour les fournitures et services.
Les auteurs de la réforme ont choisi de ne pas instituer de MAPA ni même de règles particulières en deçà de ce seuil.
Si certains acheteurs publics se sont dotés de règles applicables sous le seuil de 20 Millions XPF, la validité juridique de cet encadrement spontané, la lisibilité du droit pour les entreprises et surtout la liberté d’accès à la commande publique sont perfectibles.
La réforme n’a pas non plus étendu la réglementation des marchés publics aux sociétés publiques locales ni aux sociétés d’économie mixte, marquant que le droit de la commande publique repose en Nouvelle-Calédonie sur un critère purement organique (personnes morales de droit public) et non sur une approche matérielle ou budgétaire.
Par ailleurs, les acteurs économiques ont relevé que la réforme ne s’était pas attaquée aux délais de paiement qui constituent pourtant une problématique d’actualité.
Ce sujet sera abordé dans la loi du pays relatif à la croissance de l’économie calédonienne, qui demeure à ce jour à l’état d’avant-projet.
S’agissant de l’information des candidats évincés, la réforme demeure laconique quant à la temporalité de la notification et l’acheteur n’est toujours pas assujetti à l’obligation de présenter les motifs du rejet.
Combiné à l’absence persistante de délai de « standstill » imposé aux acheteurs, ce système prend quelques distances avec le principe constitutionnel de transparence dans la commande publique ainsi qu’avec le droit au recours effectif des candidats.
S’agissant de l’exécution des marchés, la réforme n’apporte pas d’évolution notable hormis l’augmentation significative du plafond des avenants.
Il ne serait pourtant pas inutile de toiletter les CCAG en vigueur, notamment en instituant le DGD tacite dans les marchés de travaux, ainsi que de mettre en place un comité local de règlement amiable des litiges.
Une prochaine brève présentera la réforme intervenue en Polynésie française.
Me ESPECEL est votre contact en marchés publics et concessions, ainsi qu’en matière de spécificités juridiques et institutionnelles en outre-mer.
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