PERMIS DE CONSTRUIRE MODIFICATIFS ET MESURES DE REGULARISATION : TOUTES LES AVANCEES DE L’ETE 2022
Qu’il s’agisse du permis modificatif ou de la mesure de régularisation en contentieux de l’urbanisme, des précisions et évolutions importantes ont été apportées par le Conseil d’État ces dernières semaines.
En juillet, il s’est prononcé sur l’élargissement de la notion de permis de construire modificatif ainsi que sur la convergence de celle-ci avec les mesures dites de régularisation.
En août, ce fut au tour de la notion de mesure de régularisation d’être affinée.
I. L’ÉLARGISSEMENT DU CHAMP D’APPLICATION DU PERMIS MODIFICATIF – L’UNIFICATION DU RÉGIME APPLICABLE AUX PERMIS MODIFICATIFS ET PERMIS DE REGULARISATION
Il était jugé de manière constante qu’un permis modificatif ne pouvait être accordé que s’il n’était pas de nature à « bouleverser la conception générale du projet ». (CE, 30 décembre 2015, n° 375276 ; CE, 25 novembre 2020, n° 429623)
Le Conseil d’État a franchi une étape importante en revenant sur sa position par une décision n° 437765 en date du 26 juillet 2022.
Désormais, le bouleversement de la conception générale du projet par le permis modificatif est autorisé dès lors que celui-ci ne change pas la nature du projet :
«7. En premier lieu, l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. »
Cette décision est parfaitement cohérente avec l’appréciation portée par le Gouvernement qui, bien inspiré dans sa réponse ministérielle n° 5498 du 17 avril 2018, avait considéré que le permis modificatif n’a pas vocation à être encadré par des critères explicites, notamment pour préserver sa souplesse.
Si la libéralisation du permis de construire modificatif par cette décision est ainsi évidente, le Conseil d’État n’apporte pas de précision sur la distinction entre les notions de « nature » et « conception » du projet.
Néanmoins, pour cela, le pétitionnaire, l’administration et la juridiction administrative pourront s’appuyer sur la jurisprudence applicable au permis de régularisation.
En effet, depuis un avis en date du 2 octobre 2020 n° 438318, le Conseil d’État a, s’agissant des permis de régularisation obtenu en cours d’instance (L-600-5 du Code de l’Urbanisme), autorisé qu’ils puissent revoir l’économie générale du projet sans qu’ils en changent la nature même.
Par ailleurs, cette même règle a récemment été étendue aux permis qui sont délivrés à la suite d’une annulation partielle, susceptible d’être régularisée dans le délai fixé par le Juge. (CE, 19 juillet 2022, n° 449111).
La jurisprudence en la matière distingue expressément l’atteinte à la conception générale du projet (qui ne justifie pas le rejet d’une demande de régularisation) et l’atteinte à la nature du projet. (CE, 13 avril 2022, n° 438293)
A titre d’exemple, sont considérées comme un bouleversement qui changerait la nature du projet, des modifications qui réduiraient la surface plancher de plus de 70%, et ainsi considérablement la surface de vente, alors que la nature du projet consiste en la réalisation d’un commerce de 3ème catégorie. (TA Rouen, 16 juillet 2002, n° 2002456)
Ces règles et jurisprudences sont désormais transposables aux permis modificatifs.
II. MESURE DE RÉGULARISATION D’UN PERMIS DE CONSTRUIRE ANNULÉ, LA COMPETENCE DE LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL RÉAFFIRMÉE ET PRECISÉE
Le permis de construire délivré pendant l’instance d’appel peut-il être contesté devant le Tribunal Administratif ?
Le Conseil d’État procède à un rappel et une clarification dans un dossier suivi par le Cabinet OVEREED.
Dans les faits, un riverain engage un recours à la suite duquel le Tribunal Administratif annule le permis de construire et précise que celui-ci ne serait pas régularisable.
Le bénéficiaire interjette appel et dépose un nouveau dossier sur le même terrain et pour un projet modifié sur plusieurs points.
Il obtient un permis de construire pour ce projet.
Le riverain a contesté cette décision dans le cadre de l’appel, comme l’exigent les règles de procédure.
Puis il a saisi le Tribunal Administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre le même permis de construire.
Le cas de figure paraissait parfaitement tranché par des décisions du Conseil d’État en dates du 15 février 2019, n° 401384 et 15 décembre 2021, n° 453316, 453317, 453318 qui, en pareille situation, retiennent la compétence de la Cour Administrative d’Appel*.
Le Tribunal Administratif a toutefois saisi le Conseil d’État d’une question de compétence en application des dispositions de l’article R. 351-3 du Code de Justice Administrative :
« La question de compétence posée par la présente requête est de déterminer si tout nouveau permis de construire accordé à un même bénéficiaire pour un projet comportant des modifications mineures par rapport à celui qui a fait l’objet d’une annulation, peut être regardé de ce seul fait comme une mesure de régularisation, au sens de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme, d’un permis de construire annulé, alors même qu’il ne fait aucune référence à celui-ci, posant ainsi la question de la compétence du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel. »
Sans surprise et dans le prolongement des décisions précitées, par une décision n° 463455 en date du 22 août 2022, le Conseil d’État réaffirme la compétence de la Cour Administrative d’appel :
« 3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge d’appel est saisi d’un appel contre un jugement d’un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l’existence d’un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d’appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis, cette décision ou cette mesure lui a été communiqué ainsi qu’aux parties. Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre ce permis, cette décision ou cette mesure devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre, en application des articles R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 du code de justice administrative, à la cour administrative d’appel saisie de l’appel contre le jugement relatif au permis initial. »
Par ailleurs, il profite de cette occasion pour préciser, sans établir toutefois de critères précis, que la compétence de la Cour Administrative d’Appel est établie par le fait que le nouveau permis :
- a été délivré à la même société pétitionnaire ;
- a été communiqué au juge d’appel et aux parties ;
- porte sur le même projet ;
- se situe à la même adresse ;
- et vise à régulariser les vices retenus par le Tribunal Administratif pour annuler le permis initial.
La décision retient :
« 5. Il résulte de ce qui précède et de ce qui a été dit au point 3 que, compte tenu du fait que le nouveau permis en cause, également délivré par le maire de [..] à la même société pétitionnaire, qui a été communiqué au juge d’appel et aux parties à cette instance par sa bénéficiaire, porte sur le même projet, situé à la même adresse, que celui ayant fait l’objet du contentieux initial et vise à régulariser les vices retenus par le tribunal administratif pour annuler le permis initial, la cour administrative d’appel de Lyon est seule compétente pour connaître, dans le cadre de l’instance d’appel dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2021, de sa contestation. »
Le Conseil d’État rappelle que ne fait pas obstacle à cette compétence la circonstance que le Tribunal « a considéré, dans le jugement frappé d’appel, que les vices qu’il relevait n’étaient pas susceptibles d’être régularisés ».
Enfin et surtout, il ajoute dans la présente décision que l’absence de « référence » expresse au permis initial annulé dans le dossier de permis de construire est sans incidence sur sa qualification de mesure de régularisation.
Suite à l’annulation d’un permis de construire, la délivrance d’un permis portant sur un même projet et visant à régulariser des vices est une mesure de régularisation même si le dossier de demande ne le formule pas expressément.
En cas de recours contre le jugement annulant le permis initial, le contentieux d’un tel permis relève de la compétence de la Cour Administrative d’Appel.
*Pour plus de précisions voir brève : Urbanisme – La compétence du juge d’appel en cas de recours contre une mesure de régularisation d’un permis de construire annulé – https://overeed.com/urbanisme-la-competence-du-juge-dappel-en-cas-de-recours-contre-une-mesure-de-regularisation-dun-permis-de-construire-annule/
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Le Cabinet OVEREED accompagne les maîtres d’ouvrage, promoteurs, architectes et autorités compétentes en conseil et au contentieux de l’urbanisme.
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