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Contravention de grande voirie en Outre-Mer : attention au délai d’appel !

Les règles du contentieux administratif peuvent être piégeuses pour les administrés… en particulier en Outre-Mer.

Le lent et néanmoins brutal cheminement de la jurisprudence rendue en matière de contentieux d’autorisation d’urbanisme aboutissant à l’applicabilité intégrale des dispositions du droit « national » y compris dans les collectivités jouissant d’une réglementation d’urbanisme qui leur est propre est un exemple topique des complications qu’il est important d’anticiper (voir sur ce point : https://overeed.com/contentieux-de-lurbanisme-en-outre-mer-les-regles-de-declenchement-du-delai-de-recours-enfin-clarifiees/).

Le contentieux des contraventions de grande voirie est un autre domaine impliquant quelques précisions et soulevant plusieurs questions.

1.            La répression des manquements aux textes relatifs à la protection de l’intégrité ou de l’utilisation du domaine public (hors voirie routière) ou encore de certaines servitudes administratives est désignée sous l’appellation de contraventions de grande voirie.

Il s’agit d’un régime de sanction administrative doté d’une sensible coloration pénale mis en œuvre à l’égard des occupants du domaine public portant atteinte à celui-ci.

Le Tribunal Administratif, saisi par le gestionnaire du domaine public considéré, se prononce à la fois sur l’action domaniale (libération, remise en état de la dépendance) et l’action pénale (amende).

2.            Le Code de Justice Administrative contient un chapitre dédié au contentieux des contraventions de grande voirie (articles L. 774-1 à 774-13).

L’une des particularités de ces dispositions concerne le délai d’appel applicable aux procédures intéressant l’Outre-Mer.

Par principe et hors contentieux électoral, le délai d’appel dont disposent les justiciables domiciliés en Outre-Mer à l’égard des jugements et ordonnances rendus par les Tribunaux Administratifs d’Outre-Mer est majoré d’un mois.

L’article R. 811-5 du Code de Justice Administrative rend en effet applicable à l’appel le mécanisme de majoration prévu à l’article R. 421-7 du même Code, selon lequel un justiciable domicilié en Outre-Mer bénéficie d’un délai supplémentaire d’un mois pour saisir une juridiction située en métropole ou dans une autre collectivité ultramarine.

Cette majoration est connue sous le vocable de « délai de distance ».

Toutes les Cours Administratives d’Appel se trouvant en métropole, le dispositif est d’une implacable rigueur et d’une parfaite uniformité puisqu’il s’applique de façon identique à toutes les collectivités d’Outre-Mer.

3.            Mais la règle n’est pas absolue et cède devant les procédures contentieuses spéciales.

Tel est le cas en matière de contraventions de grande voirie.

L’article L. 774-7 du Code précité prévoit que le délai d’appel est de deux mois.

Jusque-là, le régime est aligné sur le droit commun.

Cependant, le Code procède à une application très sélective du délai de distance.

En effet, trois cas seulement de majoration du délai d’appel figurent parmi les dispositions spécifiques à l’Outre-Mer.

Seuls les jugements rendus par les Tribunaux de Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna bénéficient de la majoration d’un mois en vertu des articles L. 774-9 3°, 774-10 3° et 774-11 3°.

Cela appelle trois remarques.

D’une part, les parties aux procès de contravention de grande voirie instruits par les Tribunaux Administratifs de la Martinique, la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Réunion, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon sont assujettis à un délai d’appel de deux mois et non de trois mois pour les contentieux de droit commun.

La sanction d’une tardiveté étant l’irrecevabilité de l’appel, ce délai « minoré » peut être source de sérieuses déconvenues.

D’autre part, l’on peut observer que, lorsqu’il est applicable, le délai de distance en matière de contravention de grande voirie ne relève pas du même régime que la majoration de droit commun.

Le régime de droit commun (articles R. 421-7 et 811-5 du Code de Justice Administrative) prévoit que le délai de distance s’applique en présence de jugements et d’ordonnances rendus Outre-Mer à la condition que l’appelant demeure lui-même Outre-Mer.

Cependant, en matière de contravention de grande voirie, le délai de distance institué en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna repose sur un unique critère : la localisation du Tribunal ayant rendu la décision de première instance.

Cette asymétrie est somme toute peu rationnelle car le mis en cause dans une procédure de contravention de grande voirie ne « demeure » pas nécessairement dans la collectivité où se situe la dépendance domaniale considérée et où siège la juridiction de première instance.

De troisième part, ce procédé de différenciation interpelle car il s’écarte de la notion de délai de distance communément admise.

Le délai de distance, bien connu en contentieux administratif et judiciaire, se voit ici appliquer un régime d’exception (opposition de deux « groupes » de collectivités d’Outre-Mer) en rupture avec l’intérêt qui s’attache à l’intelligibilité du droit et la sécurité juridique.

L’on peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit l’Etat à réserver le délai de distance aux collectivités les plus éloignées de la métropole (et par la même occasion aux contentieux relevant exclusivement de la compétence de la Cour Administrative d’Appel de Paris).

Dit autrement, pourquoi l’Etat a-t-il privé la majorité des collectivités d’Outre-Mer du délai de distance dans cette branche du contentieux administratif ?

S’agit-il d’une approche kilométrique ou institutionnelle, d’une omission, d’une erreur ?

En attendant une éventuelle réponse à ces questions qui résonnent au-delà du strict cadre du contentieux des contraventions de grande voirie, il peut utilement être rappelé que la procédure administrative, si elle revêt une adamantine clarté à première vue, est parsemée de dispositions délicates notamment au détriment des justiciables d’Outre-Mer.

La grande voirie peut parfois se révéler être un étroit et sinueux sentier.

Le cabinet OVEREED AARPI est votre partenaire juridique dans le domaine du contentieux administratif.

Maître Gilles ESPECEL, avocat associé spécialiste en droit public et membre du Bureau de l’Association des Juristes en Droit des Outre-mer, se tient à votre écoute.

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