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ELECTIONS PROFESSIONNELLES : ASSURER LA REPRESENTATION EQUILIBREE HOMMES/FEMMES SUR LES LISTES DE CANDIDATS

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi dite « Rebsamen » et applicable depuis le 1er janvier 2017, a instauré un principe de représentation équilibrée des sexes sur les listes de candidats aux élections professionnelles. Il ne s’agit pas d’instaurer une parité. L’objectif de ces dispositions, codifiées à l’article L 2314-30 du code du travail (pour le CSE), est d’aboutir à une représentation salariale reflétant la proportion réelle de femmes et d’hommes dans l’entreprise. De récents arrêts de la Cour de cassation viennent apporter de nouvelles précisions quant à leurs modalités de mises en œuvre et aux sanctions encourues. L’occasion de faire un point sur ces nouvelles exigences. 

  • Les principes de proportionnalité et d’alternance des candidats

Pour chaque collège électoral, les listes présentées aux élections professionnelles qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.

Pour rappel, les candidats sont librement choisis parmi les salariés éligibles dans le collège considéré, un syndicat pouvant tout à fait désigner ses adhérents, mais également des non adhérents, voire même des adhérents à une autre organisation syndicale.

S’agissant de scrutin de listes, impliquant que soient élus les premiers de chaque liste, dans leur ordre de présentation, jusqu’à épuisement des sièges, le code du travail exige, pour assurer l’effectivité de la représentation équilibrée, une alternance des candidats de chaque sexe.

Ainsi, pour un collège électoral composé de 60% de femmes pour 40% d’hommes, chaque liste de 10 candidats comportera 6 femmes et 4 hommes, répartis de la façon suivante : F1, H1, F2, H2, F3, H3, F4, H4, F5, F6. Le sexe en surnuméraire complète la fin de la liste.

Ces exigences s’imposent à chaque liste de candidats, titulaires et suppléants, au 1er tour, c’est-à-dire aux listes présentées par les syndicats, comme au 2nd tour, c’est-à-dire aux listes libres.

Lorsque les proportions d’hommes et de femmes présents dans l’entreprise n’aboutissement pas à des nombres entiers de candidats, le code du travail pose une règle d’arrondi à l’entier supérieur si la décimale est supérieure ou égale à 5, à l’entier inférieur en cas de décimale inférieure à 5. A titre d’exemple, pour 12 sièges à pourvoir dans un collège électoral composé à 66,50% de femmes, pour 33,50 % d’hommes, la liste de 12 candidats devra comporter : 8 femmes (66,5% x 12 = 7,98) et 4 hommes (33,50% x 12 = 4,02).

L’article L 2314-30 du code du travail précise, dans le cas où un nombre impair de sièges est à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales (50% hommes, 50% de femmes), que la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.

Est également prévu le cas où, compte tenu du nombre de sièges à pourvoir et/ou des effectifs, l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne pourra toutefois pas être en première position sur la liste.

Rappelons que ces dispositions sont d’ordre public absolu. Un protocole d’accord préélectoral ne saurait, quelles qu’en soient les raisons, y déroger (Cass. Soc. 9 mai 2018, n°17-60.133).

Enfin, soulignons que la Cour de cassation, amenée à se prononcer sur la validité du dispositif au regard du principe de liberté syndicale reconnu par les textes européens et internationaux (Convention de l’OIT, CEDH et Charte des droits sociaux de l’UE) a considéré que « l’obligation faite aux organisations syndicales de présenter aux élections professionnelles des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral concerné répond à l’objectif légitime d’assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l’égalité effective des sexes » ne constitue « pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale » et procède « à une nécessaire et équilibrée conciliation avec le droit fondamental à l’égalité entre les sexes » (Cass. Soc. 13 février 2019, n°18-17.042).

  • Les dernières précisions de la Cour de cassation

La Cour de cassation est venue très récemment apporter quelques précisions sur l’application de ces dispositions.

Il est admis de longue date que des listes de candidats puissent être incomplètes, c’est-à-dire comprendre moins de candidats qu’il y a de sièges à pourvoir dans le collège.

Par une décision du 9 mai 2018, la Cour de cassation a toutefois posé comme principe que lorsque 2 sièges au moins sont à pourvoir, les listes présentées doivent nécessairement comporter 2 candidats de sexe différent dont l’un au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré, interdisant dans cette hypothèse, aux syndicats de présenter un candidat unique, ce qui pourrait poser difficulté en cas de difficulté à trouver des volontaires (Cass. Soc. 9 mai 2018, n°17-14.088). Reste à savoir si cette jurisprudence s’applique également aux candidats « libres » du second tour, ce qui pourrait constituer un obstacle majeur aux candidats indépendants.

Par un arrêt du 17 avril 2019, elle rappelle le principe énoncé un an plus tôt et, complétant sa construction jurisprudentielle, précise que, lorsque plus de 2 sièges sont à pourvoir, les listes peuvent comporter moins de candidats que de sièges à pourvoir, validant les listes incomplètes, dès lors qu’elles respectent la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré (Cass. Soc. 17 avril 2019, n°17-26.724)

  • Les sanctions encourues

La sanction du non-respect de ces dispositions est l’annulation de l’élection du ou des élus en surnuméraire. Dans deux arrêts du 17 avril 2019 (Cass. Soc. 17 avril 2019, n°17-26.724, précédemment cité et n°18-60.173), la Cour de cassation apporte les précisions suivantes :

– la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats du nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective au sein du collège électoral entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter, et non pas l’annulation de la liste elle-même ;

– la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions en matière de proportionnalité hommes/femmes dans les listes, entraîne l’annulation de l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats ;

– le juge tient compte de l’ordre des élus tel qu’il résulte le cas échéant de l’application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés.

  • Comment gérer la présentation de listes irrégulières ?

L’employeur, qui n’a pas pouvoir pour refuser une liste (régulièrement présentée) mais comportant des candidatures irrégulières, ne peut qu’agir dans le cadre d’une contestation judiciaire. C’est le tribunal d’instance qui est compétent pour connaître des litiges concernant l’électorat et la régularité des opérations électorales, dont fait partie la régularité des listes électorales.

La jurisprudence admet que l’employeur conteste une candidature alors que l’élection n’a pas encore eu lieu.

Cependant, la sanction du non-respect des règles de proportionnalité et d’alternance des candidats des deux sexes n’est prévue que dans le cadre du contentieux post-électoral et l’annulation encourue ne s’applique que postérieurement à l’élection.

La question se pose donc de savoir quelle décision pourrait prendre le Tribunal saisi, avant l’élection, d’une contestation de liste de candidats non conforme aux prescriptions en matière de représentation équilibrée des hommes et des femmes : enjoindre l’organisation syndicale ou les candidats libres à modifier la liste, écarter la liste, voire l’annuler ? Ces points restent à ce jour en suspens.

 

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