MARCHES PUBLICS – LA PARTICPATION DE L’ASSISTANT A MAITRISE D’OUVRAGE A L’ANALYSE DES OFFRES ET LE SECRET DES AFFAIRES
Dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public, l’un des soumissionnaires peut-il demander à l’acheteur public d’interdire à l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) l’accès à son offre afin de prévenir le risque d’une atteinte au secret des affaires ?
C’est à cette question que le Conseil d’Etat a répondu dans sa décision n° 456503 en date du 10 février 2022.
Dans cette affaire, un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) a conclu avec une société un contrat d’AMO notamment pour la passation des marchés d’assurance du groupement hospitalier.
Dans le cadre d’une consultation lancée par le CHU pour l’exécution de prestations de services d’assurance, l’une des sociétés soumissionnaires a demandé par le biais du nouveau référé « secret des affaires » introduit à l’article R. 557-3 du Code de Justice Administrative par un décret n° 2019-1502 en date du 30 décembre de 2019 au Juge des référés de suspendre l’analyse des offres et d’enjoindre au CHU d’exclure l’AMO de la phase d’analyse des offres.
La société justifie cette demande d’exclusion en invoquant le risque d’atteinte imminente au secret des affaires qui serait caractérisé par les relations étroites qu’entretient l’AMO avec une société concurrente.
Le Juge des référés a fait droit à cette demande.
Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du Juge des référés en précisant que dans l’appréciation du risque d’atteinte au secret des affaires, le Juge Administratif doit tenir compte des dispositions prévues dans le contrat d’AMO en matière de confidentialité.
Ainsi, au cas présent, en excluant la prise en compte de l’existence d’une telle obligation, le Juge des référés a entaché sa décision d’une erreur de droit :
« A ce titre, il n’a pas été contesté devant le juge du fond que la société ACAOP intervient pour le compte de la personne publique et que son dirigeant et ses personnels sont tenus, dans le cadre de l’exécution de ce marché, à une obligation professionnelle de confidentialité.
Par suite, en jugeant qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte cette obligation de confidentialité dans l’appréciation du risque d’une atteinte imminente au secret des affaires susceptible d’être imputable au centre hospitalier, contre lequel la SHAM a engagé son action, à raison de l’intervention de la société ACAOP dans la procédure de passation du marché d’assurance auquel la requérante a candidaté, le juge des référés a commis une erreur de droit. »
Par ailleurs, le Conseil d’Etat juge que l’allégation selon laquelle l’AMO entretiendrait des relations étroites avec une société concurrente « ne suffit à caractériser un risque d’atteinte imminente au secret des affaires » dès lors que l’AMO est tenu à une obligation contractuelle de confidentialité dans le cadre de sa mission.
Enfin, il ajoute que le soumissionnaire qui constaterait un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence dispose d’une autre voie juridictionnelle, le référé précontractuel, pour relever une quelconque violation du secret commercial ou l’impartialité de l’acheteur public :
« A cet égard, il appartiendra à la requérante, si elle s’y croit fondée, de faire valoir notamment devant le juge du référé précontractuel tout manquement qu’elle aura relevé aux règles de publicité et de concurrence, tenant, le cas échéant, en une violation par le pouvoir adjudicateur du secret commercial ou de l’impartialité à laquelle celui-ci est tenu. »
En matière de secret des affaires, le Juge Administratif semble ainsi écarter l’obligation pour l’acheteur public de mettre en œuvre une mesure de « prévention » des manquements susceptibles d’être commis lors de la passation des marchés publics lorsqu’une clause, notamment de confidentialité, prévue dans le contrat d’AMO, semble assurer la protection du secret des affaires.
Alors qu’il existe une jurisprudence abondante sur des situations de conflit d’intérêts créées par la participation de l’AMO à la procédure de passation d’un marché public, la présente décision ferme la porte du référé « secret des affaires » et oriente les opérateurs économiques vers le référé précontractuel.
Le risque d’atteinte au secret des affaires lors de la passation d’un marché public est un sujet sensible que les opérateurs économiques doivent anticiper et maîtriser avec les procédures existantes tout en gardant à l’esprit la question centrale de la preuve.
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Le Cabinet OVEREED accompagne les acheteurs publics et les opérateurs économiques en matière de marchés et contrats publics en conseil, au contentieux ainsi que dans le cadre de formations.
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