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RÉFORME DU RÉGIME DES NULLITÉS EN DROIT DES SOCIÉTÉS : CE QU’IL FAUT RETENIR

L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 réforme en profondeur le régime des nullités en droit des sociétés avec pour objectif de le simplifier, le clarifier et éviter des remises en cause de la constitution et des décisions des sociétés.

Les règles générales relatives aux nullités sont désormais regroupées dans le Code civil (articles 1844-10 et suivants) et s’appliquent à toutes les sociétés, qu’elles soient civiles ou commerciales. Le Code de commerce conserve toutefois des dispositions propres aux sociétés commerciales, avec des dérogations au régime de droit commun du Code civil.

Ces nouvelles dispositions sont applicables depuis le 1er octobre 2025 de manière non rétroactive.

1/ Principales dispositions de la réforme

1.1. Causes de nullité de la société affectant sa constitution

Pour les sociétés constituées à compter du 1er octobre 2025, la nullité ne peut être prononcée que dans deux hypothèses (article 1844-10 du Code civil) :

  • l’incapacité de l’ensemble des fondateurs, ou
  • la violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés.

1.2. Causes de nullité des décisions sociales

Les décisions sociales ne peuvent être annulées que dans deux cas :

  • la violation d’une disposition impérative du droit des sociétés, ou
  • l’existence d’une cause générale de nullité des contrats.

Sauf disposition légale contraire, la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité (article 1844-10 du Code civil).

1.3. Prescription de l’action en nullité

Le délai pour agir en nullité, qu’il s’agisse de la société elle-même ou de ses décisions sociales, est désormais ramené de trois à deux ans (article 1844-14 du Code civil).

Cette réduction de délai de prescription vise à accélérer le traitement des litiges et naturellement à renforcer la sécurité juridique.

Certaines opérations restent toutefois soumises à des délais spécifiques :

  • six mois pour les actions en nullité d’une fusion, d’une scission ou d’un apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions (article L. 236-2-1 du Code de commerce) ;
  • trois mois pour les actions en nullité d’une augmentation de capital dans une société par actions (article L. 225-149-4 du Code de commerce).

1.4. Prononcé de la nullité

L’ordonnance du 12 mars 2025 instaure un principe de « triple test » encadrant le prononcé de la nullité des décisions sociales (article 1844-12-1 du Code civil).

Le juge ne peut désormais prononcer la nullité que si les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies :

  • Le demandeur justifie d’un grief, c’est-à-dire qu’il établit que l’irrégularité invoquée lui a causé un préjudice directement lié à la violation de la règle concernée ;
  • L’irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision ;
  • Les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne sont pas excessives, au moment où elle est prononcée, au regard de l’atteinte à l’intérêt protégé.

Dans certains cas, la loi écarte expressément ce triple test. Le juge doit alors prononcer la nullité de plein droit, sans disposer d’aucun pouvoir d’appréciation. À titre d’exemple, le triple test est écarté lorsque la nullité est prévue de plein droit, notamment en cas de désignation irrégulière d’administrateurs (article L. 225-18 du Code de commerce) ou de nomination irrégulière d’un administrateur lié par un contrat de travail (article L. 225-22 du Code de commerce).

1.5. Limitation des nullités en cascade

La réforme de 2025 introduit plusieurs mécanismes destinés à limiter les nullités en cascade, sources d’insécurité juridique dans la vie des sociétés.

  • Article 1844-15-1 du Code civil : la nullité de la nomination ou du maintien irrégulier d’un organe social n’entraîne pas automatiquement celle des décisions prises par cet organe, sauf disposition légale contraire.
  • Article 1844-15-2 du Code civil : le juge peut différer les effets de la nullité lorsque sa rétroactivité aurait des conséquences excessives pour l’intérêt social.

1.6. Clauses statutaires réputées non écrites

Toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du droit des sociétés est réputée non écrite, même lorsque la violation n’est pas expressément sanctionnée par la nullité (article 1844-10, alinéa 2 du Code civil).

Avant la réforme, cette règle ne visait que les clauses contraires aux articles 1832 à 1844-9 du Code civil. Elle s’applique désormais à toutes les dispositions impératives du droit des sociétés, ce qui élargit considérablement son champ d’application.

1.7. Régime spécifique : clauses statutaires de nullité dans les SAS

Lors de la constitution de la SAS, les associés peuvent désormais prévoir dans les statuts une clause relative à la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils édictent (article L. 227-20-1 du Code de commerce).

L’action en nullité fondée sur une telle clause est exercée dans les conditions de droit commun, le juge appliquant notamment le « triple test » prévu à l’article 1844-12-1 du Code civil.

En l’absence d’une telle clause statutaire, la simple violation des statuts ne suffit pas à fonder une nullité.

Toutefois, la nullité pourrait être encourue en cas de violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou d’une cause générale de nullité des contrats.

2/ Conseils pratiques – Analyse de l’avantage décisif conféré par la réforme aux SAS

La création de l’article L. 227-20-1 du Code de commerce marque une avancée décisive pour les sociétés par actions simplifiées (SAS). En autorisant les statuts à prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils édictent, le législateur dote les praticiens d’un nouvel outil de discipline statutaire et renforce la cohérence du modèle contractuel de la SAS.

2.1. Avant la réforme : un régime de nullité limité aux règles impératives

Avant la réforme, la jurisprudence avait tracé une frontière nette. À défaut de disposition légale impérative, la violation des statuts n’entraînait pas la nullité des actes ou décisions adoptés en méconnaissance de ces statuts.

Les nullités étaient ainsi strictement cantonnées aux hypothèses expressément prévues par la loi, telles que celles résultant par exemple de l’article L. 227-15 du Code de commerce, qui sanctionne par la nullité toute cession effectuée en violation des clauses statutaires.

En dehors de ce champ restreint, les statuts n’offraient qu’une portée essentiellement contractuelle.

Leur violation pouvait éventuellement engager la responsabilité du dirigeant ou de l’associé fautif, mais non remettre en cause la validité de la décision sociale.

Ce vide normatif créait une insécurité juridique importante, notamment dans les SAS complexes où les statuts constituent souvent la véritable « constitution interne » de la société.

2.2. Un nouvel instrument de protection : la clause de nullité statutaire

Désormais, grâce à l’article L. 227-20-1, les statuts peuvent ériger certaines règles internes en normes sanctionnées par la nullité. Cette innovation redonne toute sa portée au contrat de société en permettant aux associés de sanctionner la violation de leurs propres règles d’organisation.

Concrètement, les praticiens pourront insérer dans les statuts des clauses de nullité ciblées pour garantir le respect des principes fondamentaux de gouvernance, par exemple :

  • les conditions d’éligibilité, de nomination ou de révocation des dirigeants ;
  • les procédures de décision collective, notamment les conditions de quorum ou de majorité ;
  • la procédure d’exclusion d’un associé, domaine jusqu’ici peu protégé par les sanctions de nullité.

Selon les besoins, les rédacteurs pourront opter pour une clause générale (« balai ») applicable à toute violation substantielle, ou pour des clauses spécifiques ciblant des décisions précises.

2.3. Un encadrement par le droit commun : le triple test du juge

L’action en nullité fondée sur une telle clause demeure toutefois soumise aux conditions de droit commun, et notamment au triple test prévu par l’article 1844-12-1 du Code civil, qui impose au juge de vérifier :

  • la proportionnalité de la nullité au regard de l’objectif poursuivi ;
  • la gravité de la violation invoquée ;
  • le respect de la liberté contractuelle des associés.

Cette exigence doit inviter les rédacteurs de statuts à soigner la formulation des clauses de nullité pour justifier leur finalité et leur proportionnalité. La nullité ne devra pas être utilisée comme une arme de déstabilisation, mais comme un outil de garantie de la loyauté statutaire.

2.4. Un avantage stratégique et concurrentiel pour la SAS

Cette réforme confère à la SAS un avantage décisif par rapport aux autres formes sociales. Elle lui permet de renforcer son autonomie et de garantir la sécurité juridique de ses décisions internes, tout en préservant la flexibilité contractuelle qui fait sa force.

En combinant liberté statutaire et efficacité normative, la SAS devient une structure permettant d’encadrer au mieux la gouvernance. Chaque société peut calibrer son équilibre entre souplesse et rigueur, selon ses besoins opérationnels ou la configuration de son actionnariat.

L’article L. 227-20-1 vient ainsi parachever la logique contractuelle du régime de la SAS. Il ne s’agit plus seulement d’une société flexible, mais d’une société à contrat renforcé, où les règles statutaires acquièrent enfin une force véritablement contraignante.

Notre Cabinet accompagne au quotidien les dirigeants et les associés lors de la constitution des sociétés mais également en cours de vie sociale lorsque se présentent des difficultés, notamment entre associés. Vous pouvez prendre notre attache aux adresses suivantes : s.dethore@overeed.com, l.gredigui@overeed.com.

Date de mise à jour : 5 novembre 2025.

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