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VUE PAR OVEREED

URBANISME – LES BONS REFLEXES FACE A UN RETRAIT DE PERMIS DE CONSTRUIRE

Hantise des maîtres d’ouvrage bénéficiant d’un permis ou d’une non-opposition à déclaration préalable, le retrait de ces décisions n’est pas aussi rare qu’il n’y paraît.

Lorsqu’il intervient, un tel retrait complique sérieusement l’équation pour le constructeur qui se trouve sur le chemin critique tant pour l’engagement des travaux que le déblocage des fonds.

Le contentieux peut s’avérer très utile pour sécuriser la situation.

Une récente décision obtenue par le Cabinet OVEREED nous donne l’occasion de procéder à quelques rappels et de souligner l’évolution de la jurisprudence.

I.         LE REGIME JURIDIQUE DU RETRAIT

Le Code de l’Urbanisme n’est pas particulièrement disert sur la question du retrait des autorisations par l’administration.

Son article L. 424-5 se borne à fixer deux conditions, l’une de fond (l’autorisation concernée doit être illégale) et l’autre de délai (3 mois à compter de la date de l’autorisation) : 

« La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. »

De fait, le retrait se présente comme une session de rattrapage pour l’administration qui n’aura pas identifié, pendant l’instruction, telle ou telle problématique juridique qui devait la conduire à rejeter la demande de permis (nous retiendrons le terme de permis, mais ce qui suit vaut également pour les déclarations préalables).

Le retrait n’est pas conçu comme une décision d’opportunité pour l’administration puisqu’il ne peut valablement porter que sur une autorisation illégale et la charge de la preuve de cette illégalité pèse sur la collectivité.

Par ailleurs, le délai de retrait est plus court en urbanisme (3 mois) que dans les autres branches du droit administratif où l’administration dispose d’un délai de 4 mois pour revenir sur sa décision.

Il est important de noter que ce délai de 3 mois s’impose y compris lorsque la démarche de retrait est initiée en raison d’un recours gracieux formé par un tiers (un riverain du projet ou une association).

Dit autrement, le recours de tiers ne proroge pas le délai de retrait. (CAA Bordeaux, 30 novembre 2017, n° 16BX00749, 16BX00766)

Comme toujours en droit de l’urbanisme, c’est la date de réception de la décision par le bénéficiaire qui compte et qui doit donc, ici, intervenir au maximum 3 mois après la date de l’autorisation d’urbanisme (explicite ou tacite). (CE, 30 janvier 2013, n° 340652)

Enfin, la décision de retrait doit être précédée d’une procédure contradictoire par laquelle l’administration informe le bénéficiaire de ce qu’elle entend procéder au retrait, indique les motifs qui justifieraient cette démarche et invite le bénéficiaire à présenter des observations dans un délai raisonnable.

Cette garantie, prévue à l’article L. 121-1 du Code des Relations entre le Public et l’Administration, est considérée comme essentielle par la jurisprudence.

Sa méconnaissance suffit à entraîner l’annulation du retrait, quand bien même les conditions prévues par le Code de l’Urbanisme (illégalité de l’autorisation et délai de 3 mois) sont remplies. (CE, 24 mars 2014, n° 356142)

La loi et le Juge Administratif assurent en principe un caractère exceptionnel au retrait et posent des garde-fous supposés limiter les abus de la part des collectivités.

L’on constate cependant dans la pratique de nombreux de cas de retraits irréguliers.

II.       LES DEUX VISAGES DU RETRAIT D’AUTORISATION D’URBANISME

Acte juridique polymorphe, le retrait d’autorisations d’urbanisme n’est pas toujours assumé par l’administration.

S’il prend la forme d’une décision formalisée (arrêté portant retrait du permis en date du…), le maître d’ouvrage appliquera la grille d’analyse rappelée ci-dessus et portera l’affaire au contentieux.

Mais le retrait peut se manifester sous les atours d’une décision de refus d’autorisation.

Tel est le cas en présence d’un dossier relevant du régime de l’autorisation tacite.

Soit un dossier de permis ou une déclaration relevant de ce régime (qui demeure par ailleurs le principe, les refus tacites étant cantonnés à certaines exceptions limitativement prévues par le Code de l’Urbanisme) qui n’a pas donné lieu à une décision effectivement reçue par le pétitionnaire dans le délai d’instruction.

Si une décision de refus ou d’opposition est notifiée après l’expiration du délai d’instruction, le pétitionnaire est de plein droit bénéficiaire d’un permis tacite.

Il arrive cependant que l’administration notifie tardivement une décision de refus.

Dans ce cas, cette décision s’impose au malheureux bénéficiaire et l’empêche de réaliser les travaux.

Néanmoins, cette décision sera logiquement requalifiée en retrait de l’autorisation tacite puisqu’elle revient sur un droit implicitement conféré au bénéficiaire.

Or, par hypothèse, la collectivité n’aura pas fait précéder son refus tardif d’une procédure contradictoire.

De plus, l’autorisation tacite n’était peut-être pas illégale et le délai de 3 mois n’a peut-être pas été respecté.

Le maître d’ouvrage pourra donc contester ce retrait déguisé et « faire revivre » le permis dont il a été illégalement privé.

Qu’il s’agisse d’un retrait explicite ou déguisé, le maître d’ouvrage est placé dans une situation très délicate qui appelle une solution rapide.

Conscient de cette difficulté, le Juge Administratif accepte de plus en plus d’examiner ce type de litige en référé.

III.      LE REFERE-SUSPENSION : UN OUTIL EFFICACE POUR REGLER RAPIDEMENT LES DIFFICULTES DECOULANT D’UN RETRAIT ILLEGAL

Nous rappelions en introduction que le retrait est un aléa survenant sur le chemin critique du lancement du chantier.

Le maître d’ouvrage qui voit son projet bloqué par un revirement de l’administration ne peut attendre l’issue d’une procédure au fond qui durera de longs mois, a fortiori s’il est tenu par des délais ou conditions d’emprunt, de réservation voire même d’acquisition de l’emprise foncière.

Il ne peut pas non plus envisager un permis modificatif puisque, par définition, il n’est plus bénéficiaire d’un permis.

C’est donc sur une action en référé-suspension que se portera son attention.

Une telle procédure accélérée, qui vise à suspendre provisoirement les effets d’un acte administratif, suppose la démonstration d’une situation d’urgence caractérisée ainsi que de doutes sérieux quant à la légalité de l’acte considéré.

C’est la condition d’urgence qui mérite aujourd’hui quelques observations.

Cette condition est appréciée spécifiquement en droit de l’urbanisme.

En effet, en cas de référé contre un permis de construire, l’urgence est présumée en vertu de l’article L. 600-3 du Code de l’Urbanisme.

L’engagement de travaux de démolition et de construction est difficilement réversible, si bien qu’il y a une certaine logique à ce que la condition d’urgence soit appréciée spécifiquement à l’occasion d’un recours dirigé contre une autorisation d’urbanisme.

Or, un recours dirigé contre un retrait d’autorisation vise précisément à permettre d’engager les travaux.

Comment concilier l’urgence à suspendre les travaux et l’urgence à démarrer le chantier ?

Le Conseil d’État a adopté sur ce point une position pragmatique en examinant concrètement la situation du point de vue du maître d’ouvrage : (CE, 7 février 2020, n° 432424)

« 5. D’une part, l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

6. Les requérants soutiennent, sans être contredits, que les travaux de construction de leur maison pour lesquels ils avaient obtenu un permis de construire ont commencé et que l’exécution immédiate du retrait du permis de construire est de nature à entraîner, en raison du retard apporté à l’opération qu’il autorise, un préjudice économique important pour eux, compte tenu, d’une part, de la modestie de leurs ressources, d’autre part, des factures qu’ils ont déjà réglées et de celles qu’ils doivent honorer. La condition d’urgence doit ainsi être regardée comme remplie. »

Cet arrêt souligne l’approche économique (impact financier du retrait pour le bénéficiaire) et technique (nature des travaux) du Conseil d’État dans l’examen de la condition d’urgence.

Néanmoins, il a ouvert la voie à la contestation en référé des décisions de retrait illégales qui hypothèquent les projets.

C’est ainsi que par une ordonnance du 13 juillet 2022 (n° 2200385), le Juge des référés du Tribunal Administratif de la Martinique a suspendu une décision de retrait de permis de construire modificatif portant sur un immeuble collectif de 42 logements. 

La décision de retrait avait, certes, été précédée d’une procédure contradictoire.

Toutefois, elle a été notifiée au bénéficiaire plus de 4 mois après la signature du permis.

Nous n’évoquerons ici les sujets de motivation, l’instance au fond étant toujours pendante. 

Il peut néanmoins être révélé que pour caractériser l’urgence de la situation pour le maître d’ouvrage, nous avions mis en avant :

  • D’une part, l’outrageuse tardiveté du retrait : sans réponse à la suite de la procédure contradictoire, le bénéficiaire avait engagé les travaux à l’issue du délai légal de retrait, considérant légitimement que la mairie avait renoncé à revenir sur le permis ;
  • De deuxième part, les conséquences financières d’une interruption du chantier pendant la durée de la procédure au fond : en particulier dans la conjoncture actuelle, le retardement des travaux a une forte incidence financière sur le projet, sans parler des avances substantielles versées aux entreprises ;
  • De troisième part, l’existence de conditions suspensives liées aux autorisations d’urbanisme dans la documentation du projet ;
  • Et de quatrième part, l’intérêt qui s’attache à ne pas retarder en particulier la production de logements sociaux.

C’est ainsi qu’en trois semaines seulement, le retrait a été suspendu, permettant au chantier de se poursuivre normalement.

En conclusion, face à un retrait d’autorisation d’urbanisme, le maître d’ouvrage aura tout intérêt, fort des éléments démontrant la sensibilité des enjeux à son égard mais aussi sur un plan plus général, à se tourner vers le Juge des référés dont le prétoire poursuit une dynamique d’ouverture.

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Le cabinet OVEREED AARPI est votre partenaire juridique dans le domaine de l’aménagement et de l’urbanisme sur les dossiers réglementaires ou opérationnels ainsi qu’en contentieux.

Maître Gilles ESPECEL, avocat associé spécialiste en droit public, est à votre écoute.

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