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LES EFFETS DE LA HAUSSE DES PRIX DES MATIERES PREMIERES SUR L’ÉXECUTION DES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE – LES RECOMMANDATIONS MINISTERIELLES

La hausse des prix des matières premières, conséquence de la crise sanitaire et plus récemment de la guerre en Ukraine, a affecté un certain nombre de secteurs d’activités et entraîne pour les opérateurs économiques des difficultés d’exécution des contrats de la commande publique au niveau national et plus encore en Outre-Mer du fait des contraintes supplémentaires d’approvisionnement et de fret.

Les maîtres d’ouvrage publics demeurent cependant peu réceptifs aux demandes tendant à ajuster les plannings d’exécution, tempérer les pénalités et adapter les prix à la conjoncture actuelle.

L’Etat a entendu afficher une prise de conscience prenant la forme d’une circulaire ministérielle.

Datée du 30 mars 2022, cette circulaire décline un certain nombre de consignes à destination des acheteurs publics pour « adapter » les contrats au contexte actuel.

Le cabinet OVEREED AARPI vous propose de faire le point sur les recommandations ministérielles.

1- LA MODIFICATION DES CONTRATS EN COURS EN CAS DE NECESSITÉ

La circulaire invite à faire application des dispositions des articles R. 2194-5 et R.3135-5 du Code de la Commande Publique qui autorisent la modification des contrats lorsqu’elle « est rendue nécessaire par les circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir ». 

Quelques exemples justifiant l’application de cette disposition dans le contexte de la pénurie des matières ou de la hausse des prix sont proposés :

(i) « Nécessité de substituer un matériau à celui initialement prévu » car il est « devenu introuvable ou trop cher » ;

(ii) Modification des quantités ou du périmètre des prestations à fournir, ou aménagement des conditions et délais de réalisation des prestations pour pallier les difficultés provoquées.  

En revanche, il est souligné que la seule modification du prix par la voie d’un avenant, qui ne serait pas justifiée par un changement de périmètre, des spécifications ou des conditions d’exécution du contrat, n’est pas libéralisée. 

2- LA THEORIE DE L’IMPREVISION

La théorie de l’imprévision peut être invoquée et ouvrir droit à une indemnisation partielle des surcoûts lorsqu’un évènement est imprévisible, extérieur aux parties et bouleverse l’économie du contrat. (CE, 30 mars 1916, Compagnie générales d’éclairage de Bordeaux, n° 59928)

La circulaire reconnait expressément que la hausse des prix du gaz et du pétrole remplit la condition de l’imprévisibilité et de l’extériorité.

A cet égard, il convient de souligner qu’elle reste néanmoins muette sur les matériaux concernés par la pénurie et/ou la hausse des prix.

S’agissant de la condition du bouleversement de l’économie du contrat, la circulaire ne s’avance pas et laisse aux acheteurs publics le soin de caractériser au cas par cas si la situation relève d’une telle qualification.

Néanmoins, la circulaire précise que, pour caractériser un tel bouleversement, il convient de :

(i) déterminer les charges extra contractuelles générées par « l’augmentation exceptionnelle des prix, qu’il s’agisse de l’énergie ou celui de certaines matières premières » ;

(ii) exclure les « autres causes ayant pu occasionner des pertes à l’entreprise » ;

(iii) apprécier les charges « par rapport à l’exécution du marché au coût estimé initialement pour des conditions économiques normales » ;

(iv) pour le titulaire, « justifier son prix de revient et sa marge bénéficiaire au moment où il a remis son offre et, d’autre part, ses débours au cours de l’exécution du marché » ;

(v) et, s’il existe une clause de révision des prix, « tenir compte de la différence entre l’évolution réelle des coûts et celle résultant de l’application de la formule de révision ».

La circulaire rappelle conformément à la jurisprudence que le bouleversement de l’économie générale du marché peut être caractérisé lorsque ces charges atteignent environ 1/15e du montant initial du marché.

Une fois que l’imprévision est reconnue, la prise en charge d’une partie des surcoûts par l’acheteur public (en moyenne entre 75% et 95%) doit se matérialiser par la signature d’une convention d’imprévision.

Enfin, s’agissant des contrats de droit privé, la circulaire rappelle que la théorie de l’imprévision trouve son fondement dans les dispositions de l’article 1195 du Code Civil.

Si une clause insérée dans le contrat de droit privé aménage ou écarte l’application de la théorie de l’imprévision, les parties peuvent convenir de la neutraliser.

3- LE GEL DES PENALITES

La circulaire recommande aux acheteurs publics de suspendre l’application des clauses de pénalité de retard ou celles relatives à l’exécution des prestations aux frais et risques tant que les opérateurs économiques sont dans « l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales ».

4- LA CLAUSE DE REVISION DES PRIX

La circulaire invite également les acheteurs publics à respecter strictement les dispositions des articles R. 2112-13 et R. 2112-14 du Code de la Commande Publique qui :

(i) interdisent à l’acheteur public de recourir au prix ferme « lorsque les parties sont exposés à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la durée d’exécution des prestations du marché » ;

(ii) imposent, pour les marchés d’une durée de plus de trois mois qui nécessitent pour « leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les cours mondiaux » l’insertion d’une clause de révision des prix dans le marché.

Il est précisé que la méconnaissance de ces dispositions peut engager la responsabilité de l’acheteur public. 

En définitive, les solutions proposées dans la circulaire se fondent sur des outils juridiques déjà existants.

Si elle développe quelques précisions bienvenues et peut encourager les titulaires à saisir les pouvoirs adjudicateurs de demandes d’adaptation des marchés, l’on regrettera que l’Etat n’ait pas privilégié la mise en place d’un véritable cadre juridique répondant aux contraintes qui pèsent sur les opérateurs économiques dont les engagements sont mis à rude épreuve.

Il n’en demeure pas moins que les principes de loyauté et d’équilibre financier des contrats de la commande publique ne sont pas qu’une esthétique et sont sans contestation possible les principaux leviers des opérateurs économiques.

Ceux-ci veilleront donc à s’attacher à disposer des éléments de preuve des hausses de prix, difficultés d’approvisionnement et pénuries afin de placer les maîtres d’ouvrage publics face à leur responsabilité.

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Le Cabinet OVEREED accompagne les acheteurs publics et les opérateurs économiques en matière de marchés et contrats publics en conseil, au contentieux ainsi que dans le cadre de formations.

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