L’ACTUALITÉ
VUE PAR OVEREED

OBTENIR L’EXECUTION DES DECISIONS DU JUGE ADMINISTRATIF – REGLES DE FOND ET DE COMPETENCE

Lorsque le Juge administratif rend sa décision celle-ci s’impose aux parties.

Malgré le principe du caractère exécutoire des décisions du Juge administratif et les termes d’une circulaire très claire rappelant l’obligation pour les personnes publiques de tirer les conséquences des décisions rendues en leur défaveur, il arrive que l’administration tarde à exécuter certaines décisions.

Pour l’y contraindre, les voies classiques du contentieux judiciaire (commandement de payer, saisie…) ne fonctionnent pas.

Cependant, le Code de Justice Administrative (« CJA) » met les outils suivants à disposition de la partie lésée par cette inexécution.

  1. LA SANCTION FINANCIÈRE DU RETARD D’EXÉCUTION DE L’ADMINISTRATION : INTÉRÊTS DE RETARD ET ASTREINTE
  • LES INTÉRÊTS LÉGAUX

Lorsque la décision porte sur le paiement d’une somme d’argent, des intérêts sont dus au taux légal à compter de la date de la décision du Juge administratif ou celle fixée par ladite décision (par exemple : date de la réclamation préalable). Si l’administration ne règle pas sa condamnation dans un délai de deux mois suivant la décision de justice, les intérêts sont majorés de 5 points. (L. 313-2 et L. 313-3 du CMF)

L’application de ces intérêts est de plein droit.

Elle court jusqu’à complet paiement de la condamnation (principal et intérêts) et doit être réclamée par le justiciable lésé.

Bien entendu, si le litige porte sur un contrat, les intérêts stipulés dans le contrat seront applicables en lieu et place de l’intérêt légal.

  • LA CAPITALISATION DES INTÉRÊTS

Les intérêts échus dus pour au moins uneannée ne produisent eux-mêmes des intérêts, c’est-à-dire ne sont capitalisés, que si la décision de justice le prévoit. (article 1343-2 du Code civil)

Il convient donc de solliciter systématiquement, dans le contentieux indemnitaire, la capitalisation des intérêts afin de renforcer la sanction d’un retard éventuel d’exécution de la décision à venir.

  • LE RECOUVREMENT DES INTÉRÊTS

Le justiciable lésé poursuivra le recouvrement des intérêts dans les mêmes formes que le principal (réclamation, recours au fond ou en référé selon le cas, mandatement).

  • L’ASTREINTE

Afin de prévenir un éventuel refus d’exécution, le législateur a mis en place un système d’astreinte qui permet au Juge d’assortir les mesures d’exécution prononcées dans sa décision d’une condamnation pécuniaire à raison d’une somme fixée par jour de retard d’exécution. (L. 911-3 du CJA)

Le Juge prononce une telle astreinte que si le justiciable lésé le saisit de conclusions en ce sens.

A noter que le Juge peut, lorsque le justiciable décide de faire liquider l’astreinte à l’égard d’une administration qui refuse d’exécuter une condamnation, allouer une partie de l’astreinte à l’Etat et l’autre, au justiciable.

Il ne s’agit donc pas de dommages-intérêts mais d’une sanction financière.

  1. LE RECOUVREMENT FORCE
  • EN PRÉSENCE D’UNE CONDAMNATION PÉCUNIAIRE PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE

La personne publique dispose d’un délai de deux mois pour l’ordonnancement ou le mandatement de la somme due (principal et intérêts) à compter de la notification de la décision de justice prononçant la condamnation pécuniaire (au fond comme en référé). (L. 911-9 du CJA)

Si la personne publique n’interjette pas appel contre cette décision, alors celle-ci passe en force de chose jugée et le créancier peut demander au comptable assignataire de procéder au paiement.

Lorsque la décision condamne l’État, le comptable assignataire doit procéder au règlement immédiatement ou dans un délai maximum de quatre mois en cas d’insuffisance de crédits.

Lorsque la décision condamne une collectivité locale ou un établissement public, le créancier peut adresser une demande de mandatement d’office au préfet du département ou à l’autorité de tutelle.

Il existe également des procédures spécifiques prévues par les textes selon la nature de débiteur (par exemple concernant les établissements publics de santé).

La responsabilité de l’administration pourra être recherchée en cas de refus de paiement ou de mandatement de la créance due. (CE, 29 avril 1987, n° 71430, 71679)

  • EN PRÉSENCE D’UNE CONDAMNATION PÉCUNIAIRE NON-DÉFINITIVE

Le mécanisme de mandatement forcé ou d’office ne fonctionne qu’à l’égard d’une décision de justice définitive.

Néanmoins et sauf exception ou sursis à exécution, l’appel et le pourvoi en cassation ne sont pas suspensifs : il appartient à l’administration, quand bien même elle conteste sa condamnation devant une juridiction supérieure, de l’exécuter.

Le créancier faisant face à une personne publique qui interjette appel d’un jugement de condamnation peut engager une procédure d’exécution forcée selon les modalités précisées ci-dessous.

  1. L’OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR ASSURER L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS
  • DANS QUELS CAS SAISIR LE JUGE ?

Le Juge administratif peut être saisi pour assurer l’exécution de ses propres décisions.

Son intervention consiste :

  • dans le cas où la décision du Juge ne prévoit pas les mesures d’exécution, à prononcer une injonction d’exécuter la décision du Juge et fixer un délai d’exécution ainsi qu’une astreinte (L. 911-4 du CJA) ;
  • si les mesures d’exécution sont déjà précisées par la décision inexécutée, à prononcer la liquidation de l’astreinte fixée dans ladite décision. (L. 911-7 du CJA)
  • QUE DEMANDER AU JUGE ?

La demande d’exécution d’une décision dépend des mesures que prévoit la décision elle-même :

  • La décision prononce une injonction qui est assortie d’un délai d’exécution et d’une astreinte ? Le justiciable lésé peut demander la liquidation partielle ou totale de l’astreinte. (L. 911-1 à L. 911-3 du CJA)
  • La décision prononce une injonction sans fixer de délai ni d’astreinte ? Le Juge peut être saisi afin qu’il contraigne l’administration à exécuter ladite décision en fixant un délai d’exécution et une astreinte. (L. 911-4 du CJA)
  • La décision ne définit pas les mesures d’exécution et ne fixe pas de délai d’exécution ni d’astreinte ? Le Juge peut être saisi afin qu’il enjoigne l’administration de prendre les mesures qu’il définit, fixe un délai d’exécution et prononce une astreinte. (L. 911-4 du CJA)

Par ailleurs, le justiciable lésé peut, en sus de sa demande de liquidation partielle de l’astreinte, demander au Juge de l’exécution la majoration du taux de l’astreinte eu égard au « mauvais vouloir persistant opposé à l’exécution » de la décision par le débiteur. (CE, 1er avril 2019, n° 405532)

  • QUEL JUGE SAISIR ?

La juridiction compétente pour traiter une demande d’exécution d’un jugement d’un Tribunal Administratif est par principe le Tribunal qui a rendu cette décision.

Cependant, la Cour Administrative d’Appel est compétente pour assurer l’exécution des jugements du Tribunal frappés d’appel. (CE sec., avis, 13 mars 1998, n° 190751).

Cette compétence, qui était codifiée à l’article L. 911-4 du Code de Justice administrative, est depuis 2019 précisée à l’article R. 921-2 du CJA. (Décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019)

A noter en revanche qu’en présence d’une décision (jugement ou arrêt) faisant l’objet d’un pourvoi en cassation, c’est la juridiction qui l’a rendue qui est compétente pour en assurer l’exécution et non le Conseil d’État. (CAA, 26 octobre 2000, n° 99PA00748)

Le Conseil d’État est en effet uniquement compétent pour l’exécution de ses propres décisions ou celles rendues par des juridictions administratives spécialisées. (R. 931-1 du CJA)

A noter qu’en matière de liquidation d’astreinte, la règle est celle de la compétence de la juridiction qui a prononcé l’astreinte et cela même en cas d’appel. (CE, avis, 30 avril 1997, n° 185322 ; CAA Nantes, 10 avril 2014, n° 12NT00743)

  • QUE FAIRE SI LE PRÉJUDICE AUGMENTE ENTRE LA CONDAMNATION ET SON RÈGLEMENT PAR L’ADMINISTRATION ? 

Si le préjudice continue d’augmenter après la décision de condamnation, par exemple parce qu’il n’est pas consolidé ou s’il porte sur une situation qui perdure, il revient au créancier de solliciter une nouvelle indemnisation, le cas échéant par la voie du référé-provision.

Par ailleurs, le retard de paiement par l’administration est une faute de nature à engager sa responsabilité.

Le créancier pourra demander réparation au Juge Administratif dès lors qu’il démontre que cette faute lui a causé un préjudice. (CE, 10 octobre 1980, n° 11331 ; CAA Bordeaux, 15 juin 2017, n° 15BX03526)

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