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Pharmacie d’officine – actualités jurisprudentielles – Transfert, service de garde, gérance après décès

Omniprésents dans le secteur de la pharmacie d’officine, la réglementation et les autorisations administratives donnent lieu à un contentieux toujours soutenu.

Il faut reconnaître que les enjeux sont de taille, qu’il s’agisse d’une opération de transfert, d’horaires d’ouverture, ou encore du maintien de la licence.

Voici un panorama de décisions récentes qui illustrent que la réforme de 2018 (ordonnance « réseau » n° 2018-3 et textes d’application) n’a pas révolutionné le secteur.

I. Le transfert d’officine

S’agissant de l’intérêt pour agir contre une autorisation de transfert, la jurisprudence maintient une appréciation assez souple, consistant à rechercher si l’officine qui réalise le transfert bénéficiera d’une partie de la clientèle de l’officine requérante, la question de la distance séparant les officines en présence restant secondaire. (TA Martinique, 11 mars 2020, n° 1800754 et 1900217)

La présomption d’intérêt pour agir des officines des communes limitrophes en cas de transfert vers un centre commercial – ayant une « attractivité » supra-communale – persiste. (CAA Nantes, 2 octobre 2020, n° 19NT03517)

S’agissant du délai de recours contre un arrêté de transfert, il demeure bien entendu de deux mois à compter de la publication de l’arrêté au RAA, même si l’arrêté ne prend effet que trois mois après son édiction. (TA Martinique, 11 mars 2020, n° 1800754 et 1900217)

Sous le régime issu de la réforme de 2018, le critère de la desserte optimale reste soumis à un examen attentif du Juge. Ainsi l’unique officine d’une commune a vu son transfert vers un centre commercial annulé au motif que son accès piétonnier n’est pas « aisé ». (CAA Nantes, 2 octobre 2020, n° 19NT03517)

En cas d’annulation du transfert en première instance, la voie du sursis à exécution du jugement pour permettre le maintien de l’officine pendant la procédure ne s’est pas élargie.

D’une part, il demeure totalement vain d’invoquer la radiation du pharmacien ou les conséquences économiques du jugement d’annulation pour solliciter le maintien temporaire de l’officine. (CAA Bordeaux, 3 novembre 2020, n° 20BX02938)

D’autre part, sur le fond, il suffit logiquement au Juge du sursis de constater que le dossier de demande de transfert était affecté d’une omission notamment en ce qui concerne les aspects d’urbanisme pour rejeter la demande de sursis. (CAA Bordeaux, 29 septembre 2020, n° 20BX02052)

Après l’annulation d’un transfert se pose souvent la question de l’indemnisation du préjudice causé au pharmacien ou à un confrère impacté par le transfert illégal.

Rien de nouveau s’agissant de l’indemnisation du préjudice du pharmacien opérant le transfert, qui demeure théoriquement en situation de solliciter une indemnisation auprès de l’Etat au titre de l’illégalité de son propre transfert.

Le pharmacien impacté par le transfert illégal d’un confrère peut, pour sa part, solliciter l’indemnisation :

  • du préjudice d’exploitation, évalué par reconstitution du chiffre qui aurait été réalisé en l’absence de transfert par application à l’exercice N-1 des coefficients nationaux, avec toutefois des abattements liés à des facteurs extérieurs (par exemple des travaux publics compliquant l’accès à l’officine) ;
  • et le cas échéant de la diminution de la valeur vénale de l’officine, en cas de cession de l’officine après la réalisation du transfert illégal du confrère.

Dans ce dernier cas, le Conseil d’Etat vient de rappeler que l’appréciation de l’impact d’un transfert illégal sur la valeur vénale d’une officine est un exercice purement comptable et que le pharmacien cédant est en droit d’obtenir de l’Etat une indemnisation correspondant à la différence entre le produit retiré de la cession et celui qui aurait pu en être retiré en l’absence du transfert illégal. (CE, 18 novembre 2020, n° 427839)

II. L’organisation des services de garde et d’urgence

En vertu de l’article L. 5125-17 du CSP, le pharmacien qui entend ouvrir son officine pendant le service de garde ou d’urgence alors qu’il n’est pas lui-même de service « doit la tenir ouverte durant tout le service considéré ».

A l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ce dispositif législatif, le Conseil d’Etat a jugé que le pharmacien qui n’est pas de garde peut tenir ouverte son officine à volets fermés : (CE, 27 janvier 2020, n° 435612)

« En imposant qu’un pharmacien qui ouvre son officine pendant un service de garde ou d’urgence, alors qu’il n’est pas lui-même de service, la tienne ouverte durant tout le service considéré, [le législateur] n’a pas interdit de façon absolue une telle ouverture ni même imposé qu’elle soit opérée  » à volets ouverts  » mais a entendu, par une obligation dont la durée n’excède pas celle du seul service de garde ou d’urgence en cause, que cette ouverture ne soit opérée que dans des conditions, notamment de confraternité et loyauté de la concurrence entre pharmaciens d’officine, ainsi que de clarté pour la population, qui ne soient pas de nature à compromettre l’existence même de ces services de garde et d’urgence. »

Signe du temps : le Conseil d’Etat fonde sa décision sur la « loyauté de la concurrence entre pharmaciens », sans évoquer le fait que la participation aux services de garde et d’urgence est historiquement présentée comme une contrepartie du monopole.

A noter par ailleurs la censure de l’arrêté d’une ARS organisant les services de garde et d’urgence (suite à l’élévation d’un désaccord) pour défaut de consultation régulière de l’Ordre des pharmaciens ; la Cour retient que ce vice est d’une particulière gravité et prive les pharmaciens d’une garantie. (CAA Bordeaux, 3 décembre 2019, n° 17BX03925)

III. La gérance après décès

Le Juge administratif opère un contrôle strict sur le recours à la gérance après décès qui constitue une exception au principe de la propriété de l’officine ainsi qu’au régime de caducité de la licence.

Il recherche notamment si la gérance après décès a effectivement pour objet d’assurer la continuité du service.

Ainsi la Cour de Paris a-t-elle censuré une autorisation de gérance après décès dont les caractéristiques (délai de près d’un an écoulé depuis la cessation d’activité et gérance de deux jours) laissaient supposer qu’elle poursuivait un autre objet, tel qu’éviter la caducité de la licence. (CAA Paris, 27 février 2020, n° 19PA00929)

La prudence s’impose donc dans l’organisation de l’officine au cours de la délicate période de succession du titulaire.

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