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PROCEDURES COLLECTIVES ET DELAI DE NOTIFICATION DES LICENCIEMENTS POUR MOTIF ECONOMIQUE, NOUVEL APPORT DE LA COUR DE CASSATION

Le législateur a aménagé certaines règles de procédure relatives aux licenciements pour motif économique, notamment en raccourcissant les délais de notification de ces licenciements, afin de tenir compte de la spécificité des entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire.

La situation des entreprises de moins de 50 salariés, contraintes de procéder à des « grands » licenciements pour motif économique, c’est-à-dire de licenciements concernant 10 salariés ou plus sur une même période de 30 jours, a cependant été omise par le Législateur.

La Cour de cassation dans un arrêt du 17 mai 2023, publié au Bulletin, vient corriger cette lacune en posant le principe selon lequel « les délais prévus à l’article L. 1233-39 du code du travail pour l’envoi des lettres de licenciement pour motif économique concernant dix salariés ou plus dans une même période de trente jours dans les entreprises de moins de cinquante salariés, ne sont pas applicables en cas de redressement ou de liquidation judiciaire » (Cass. Soc. 17 mai 2023, n°21-21.041). Retour sur cet arrêt.

  1. Droit commun des notifications des licenciements pour motif économique et les aménagements du Législateur en matière de procédures collectives

Le Code du travail impose à l’employeur le respect de délais minima avant toute notification de licenciements pour motif économique :

  • en cas de licenciement individuel pour motif économique, la notification du licenciement ne doit pas intervenir moins de 7 jours ouvrables suivant l’entretien préalable, ou 15 jours ouvrables s’il s’agit d’un cadre (article L. 1233-15 alinéas 2 et 3 du Code du travail) ;
  • en cas de licenciement collectif de moins de 10 salariés, la notification du licenciement ne doit pas intervenir moins de 7 jours ouvrables suivant l’entretien préalable (article L. 1233-15 alinéa 2 du Code du travail)  ;
  • en cas de licenciements portant sur 10 salariés et plus, dans les entreprises de moins de 50 salariés la notification du licenciement ne doit pas intervenir moins de 30 jours suivant la notification du projet de licenciement faite à la DREETS/DEETS (article L. 1233-39 du Code du travail) ;
  • en cas de licenciements portant sur 10 salariés et plus, dans les entreprises de 50 salariés ou plus, il n’y a pas de délai minimal de notification, mais les licenciements ne pourront intervenir qu’après validation ou homologation du PSE par la Dreets/Deets, obtenue préalablement à l’autorisation du juge commissaire.

Ces délais s’accommodent mal des enjeux des procédures collectives, plus spécialement des conditions d’intervention de l’AGS (assurance garantie des salaires) qui garantit aux salariés d’obtenir le paiement de leurs créances, notamment celles qui découlent de la rupture du contrat de travail, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, lorsque les fonds de l’entreprise ne le permettent pas.

Pour que les salariés bénéficient de la garantie de leurs créances nées de la rupture du contrat de travail, leur licenciement doit cependant impérativement être notifié au cours de l’une des périodes fixées à l’article L. 3253-8 du Code du travail, à savoir :

– pendant la période d’observation ;

– dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

– dans les 15 jours, ou 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

– pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire ;

– dans les 15 jours, ou 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;

Sont également couvertes, les créances qui résultent de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle (« CSP ») dès lors que le CSP a été proposé au cours de l’une de ces périodes.

Tenant compte de ces éléments et des exigences de célérité qui entourent toutes les procédures collectives, l’article L. 1233-59 du code du travail a prévu par exemple que les délais de 7 jours ou 15 jours suivant l’entretien préalable prévus à l’article L. 1233-15 pour l’envoi des lettres de licenciement prononcé pour un motif économique ne sont pas applicables en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

Autre exemple d’aménagement législatif, dans les entreprises d’au moins de 50 salariés procédant à des grands licenciements collectifs (plus de 10 salariés), les délais dont dispose l’administration pour rendre sa décision de validation ou d’homologation du PSE ont été réduits à 8 jours en cas de redressement judiciaire et 4 jours en cas de liquidation judiciaire (contre 15 jours en cas de validation d’un accord et 21 jours pour une homologation d’une décision unilatérale, en dehors des procédures collectives –  article L. 1233-58 du Code du travail).

Le Code du travail ne prévoit cependant pas d’équivalent pour le délai minimum de 30 jours imposé par l’article L. 1233-39 du Code du travail pour notifier les licenciements portant sur 10 salariés et plus dans les entreprises de moins de 50 salariés. C’est ce que vient corriger la Cour de cassation.

  1. La décision de la Cour de cassation du 17 mai 2023

Consciente de cette lacune législative, la Cour de cassation pose comme principe que les délais prévus à l’article L. 1233-39 du code du travail pour l’envoi des lettres de licenciement prononcé pour un motif économique ne sont pas applicables en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, y compris aux licenciements notifiés pendant la période d’observation sur autorisation du juge commissaire (comme cela était le cas en l’espèce).

Pour motiver sa décision la Cour de cassation rappelle tout d’abord que pendant la période d’observation, seuls sont autorisés par le juge commissaire les licenciements pour motif économique qui présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable (objectif de célérité propre aux procédures collectives).

Surtout elle rappelle que « l’assurance des salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, garantit les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d’observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement, dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire, en sorte que, pour que les droits des salariés à garantie de leurs créances nées de la rupture du contrat de travail soient préservés, le licenciement doit être notifié au cours de l’une des périodes fixées par ce texte » (objectif de préservation des droits des salariés).

Respecter le délai de 30 jours du Code du travail conduirait à se dispenser de l’intervention de l’AGS, ce qui n’est évidemment pas l’esprit des textes.

En écartant l’application de ce délai et en en faisant un principe de droit, la Cour de cassation entend garantir ainsi les mêmes chances d’accès à l’AGS à tous les salariés (y compris ceux concernés par un licenciement collectif de plus de 10 salariés dans une entreprise de moins de 50 salariés), tout en préservant l’entreprise (dans les faits l’administrateur ou le liquidateur) d’une contestation sur la régularité de la procédure pour non-respect du délai de 30 jours.

Célérité et protection des droits du salarié sont donc combinés.

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