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GEOLOCALISATION DU VEHICULE DU SALARIE : REGLES ET LIMITES POUR L’EMPLOYEUR

Vidéo-surveillance, enregistrement des communications téléphoniques, biométrie, badges d’accès, suivi du temps de travail par la connexion à un logiciel, etc., les outils technologiques permettant l’organisation, mais également le suivi et le contrôle de l’activité des salariés se multiplient au sein des entreprises.

Parmi ces outils, les dispositifs de géolocalisation qui peuvent équiper les véhicules professionnels mis à disposition des salariés sont en pleine expansion. Retour sur les obligations principales de l’employeur en la matière.

  • Finalité du dispositif de géolocalisation

Dès lors qu’il a pour finalité, même accessoire, le contrôle de l’activité des salariés et qu’il a donc une nature intrusive en matière de liberté individuelle, la mise en place d’un système de géolocalisation doit être, d’une part, justifié par un intérêt légitime (nature des tâches à accomplir, sécurité des biens et des personnes, image de l’entreprise, productivité, organisation des interventions, satisfaction clients, etc.) et, d’autre part, proportionné au but recherché.

Ainsi, il n’est pas autorisé de mettre en place un système de surveillance (géolocalisation, vidéo, enregistrement, etc.) qui aurait pour unique vocation de contrôler, de manière permanente, les faits et gestes des salariés, en dehors de problématiques spécifiques de sécurité, de risque de vol, de relations avec la clientèle, etc.

La finalité même du dispositif doit donc être clairement énoncée et connue. La Cnil est venue préciser que, « des données à caractère personnel ne peuvent être collectées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et […] ne doivent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités » (délibération du 4 juin 2015).

En ce qui concerne plus précisément les finalités admises des dispositifs de géolocalisation par GPS des véhicules fournis aux salariés, celles-ci sont, pour la Cnil, limitées :

  • au respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
  • au suivi, à la justification et à la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule, auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre ;
  • à assurer la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge ;
  • à une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence ou dépannages ;
  • au contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule.

L’utilisation des données de géolocalisation pour assurer le suivi du temps de travail des salariés est fréquemment envisagée par les employeurs. Il convient cependant d’être prudent.

En effet, la Cour de cassation comme le Conseil d’Etat, s’appuyant sur la position de la Cnil, ont posé comme principe que la géolocalisation ne peut être utilisée pour le suivi de la durée du travail des salariés qu’à titre accessoire et s’il n’existe pas d’autres moyens de contrôle de ce temps de travail, tels qu’un système déclaratif (fiche de chantier, compte rendu journalier, pointeuse, etc.), fussent-ils moins efficaces (not. Cass. Soc. 19 décembre 2018, n°17-14.631 ; Conseil d’Etat 15 décembre 2017, n°403776, dans le cas de Techniciens itinérants).

Enfin, la Cour de cassation comme le Conseil d’Etat rappellent que l’utilisation de la géolocalisation pour le suivi de la durée du travail n’est pas justifiée lorsque le salarié est libre d’organiser son activité comme il l’entend (not. Cass. 17 décembre 2014, n°13-23.645). Tel est le cas par exemple d’un commercial qui organise librement ses tournées, ou d’un salarié en forfait jours.

Le système doit, en outre, permettre une désactivation en dehors du temps de travail ou lors des temps de pause.

  • Information obligatoire des salariés et des instances représentatives du personnel

L’employeur ne peut mettre en place des procédés de surveillance sans avoir au préalable :

  • informé et consulté l’instance représentative du personnel (CSE, conseil d’entreprise)
  • informé individuellement les salariés.

L’information porte notamment sur la ou les finalités du dispositif, les données collectées, leur durée de conservation, les destinataires des données, les noms et coordonnées du responsable de traitement, les droits d’accès et de rectification.

  • Protection des données : les obligations de l’employeur

Le nouveau règlement européen de protection des données (RGPD), entré en application le 25 mai 2018, complété par la loi du 20 juin 2018, encadre les traitements de données personnelles et se substitue à l’obligation préalable de déclaration Cnil jusque-là obligatoire.

Il trouve pleinement à s’appliquer aux dispositifs de géolocalisation dès lors que ces systèmes, comme tout système de surveillance des salariés, permettent de collecter et de traiter des données personnelles.

Ces nouvelles dispositions imposent le respect d’un certain nombre de règles parmi lesquelles :

  • la désignation d’un responsable de traitement ;
  • la transparence dans la collecte des données (information complète des intéressés) ;
  • la protection des données et leur sécurisation, la conservation limitée des données, etc. ;
  • la tenue d’un registre des opérations et activités qui impliquent la collecte de données personnelles et des mesures prises pour garantir les règles du RGPD.

Le système de géolocalisation doit notamment être inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur.

  • Les conséquences en cas de non-respect des règles encadrant la mise en place de système de surveillance

Le risque est important puisque le système est alors jugé illicite.

Les données recueillies sont donc inutilisables. Elles sont notamment jugées irrecevables en cas de contentieux. Elles ne peuvent justifier une sanction, ni a fortiori un licenciement.

La mise en œuvre de ce type de dispositif, en dehors des règles et limites exposées, peut justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l’employeur, ainsi que l’allocation de dommages et intérêts.  

Elle peut également justifier une plainte auprès de la Cnil et une éventuelle sanction pécuniaire de la part de l’organisme qui peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros dans certains cas.

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