L’ACTUALITÉ
VUE PAR OVEREED

SOLIDARITE DU DONNEUR D’ORDRE EN CAS DE TRAVAIL DISSIMULE D’UN SOUSTRAITANT, CONTENU DE LA LETTRE D’OBSERVATION ADRESSEE PAR L’URSSAF

Parmi les dispositifs de lutte contre le travail dissimulé figure l’obligation pour les donneurs d’ordre ou maîtres d’ouvrage de s’assurer que la personne avec laquelle ils ont contracté, pour la fourniture d’un service, la réalisation d’un ouvrage ou l’accomplissement d’un acte de commerce, s’acquitte, pour l’exercice de son activité, d’un certain nombre d’obligations sociales et fiscales, sous peine notamment d’être redevable solidairement des cotisations et contributions sociales impayées par le sous-traitant.

Un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation vient préciser les conditions de mise en recouvrement par l’Urssaf des cotisations et contributions sociales dans de telles situations (Cass. Civ. 2ème 13 février 2020, n°19-11.645). L’occasion pour nous de revenir sur quelques points essentiels en matière de « devoir de vigilance des donneurs d’ordres et maîtres d’ouvrages » vis-à-vis de leurs co-contractants.

  • Rappel des conditions de mise en œuvre de la solidarité financière

Les articles L. 8222-1 et suivants du code du travail distinguent trois situations susceptibles d’entraîner une responsabilité solidaire du donneur d’ordre ou maître d’ouvrage avec son sous-traitant ou prestataire :

– Tout d’abord, lorsque le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage a fait l’objet d’une condamnation pénale pour avoir recouru directement ou indirectement aux services de celui qui exerce un travail dissimulé (C. trav., art. L. 8222-2) ;

– Lorsque le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage ne s’est pas assuré, lors de la conclusion d’un contrat prévoyant l’exécution de travaux, la fourniture de prestations de service ou l’accomplissement d’actes de commerce d’un montant au moins égal à 5 000 €, puis tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, que son cocontractant s’acquitte des formalités prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail (immatriculation, déclarations aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale, déclaration préalable à l’embauche, délivrance de bulletins de paie) (C. trav., art. L. 8222-1) ;

Cette obligation, mieux connue sous le nom de « devoir de vigilance », se matérialise par trois démarches essentielles :

  1. Obtenir de son cocontractant un certain nombre de documents, notamment l’attestation de vigilance – lors de la conclusion du contrat, puis tous les 6 mois jusqu’au terme des relations contractuelles ;
  2. En vérifier la fiabilité et la validité
  3. Les tenir à disposition des agents de contrôle désignés pour la lutte contre le travail illégal (notamment Inspection du Travail, services de Police, agents de contrôle Urssaf)

– Enfin, lorsque le maître de l’ouvrage ou le donneur d’ouvrage, informé par écrit par les agents chargés de contrôler le travail dissimulé ou par un syndicat, une association professionnelle ou une institution représentative du personnel, du recours de son sous-traitant (ou d’un sub-délégataire) au travail dissimulé, ne lui a pas enjoint de faire cesser la situation sans délai (C. trav., art. L. 8222-5).

Outre les éventuelles sanctions administratives (amende administrative, suspension du contrat en cours) et pénales (pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros en cas de travail dissimulé), ces situations entrainent la solidarité financière du donneur d’ordre, solidarité qui porte notamment sur la prise en charge des impôts, taxes et cotisations obligatoires, ainsi que les pénalités et majorations dus au Trésor et aux organismes de protection sociale par la personne ayant eu recours au travail dissimulé.

Dans le cas des cotisations et contributions sociales, ce sont les Urssaf (CGSS) qui procèdent au redressement (sur la base d’un procès-verbal d’infraction ayant constaté l’infraction de travail dissimulé du sous-traitant). L’organisme délivre tout d’abord une lettre d’observation, suivie d’une mise en œuvre.

Le contenu de ces documents est important puisqu’il conditionne la régularité du redressement et de la mise en demeure qui permettra de recouvrer les sommes. 

L’enjeu financier l’est tout autant puisqu’il porte sur la prise en charge par le sous-traitant de l’intégralité des cotisations sociales afférentes aux salariés irrégulièrement embauchés, affectés au contrat, déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession, pour la durée de la prestation ou du contrat (dans la limite de 5 ans, correspondant à la prescription en matière de travail dissimulé).

  • Mention de la lettre d’observation de l’Urssaf adressée au cocontractant amené à garantir le paiement des cotisations

Dans l’affaire ayant amené à la Cour de cassation à se prononcer, le 13 février dernier, il n’est pas question des conditions dans lesquelles est retenue la responsabilité du donneur d’ordre, mais des obligations de l’organisme de recouvrement, à savoir l’Urssaf, pour « redresser » le donneur d’ordre et obtenir le paiement des cotisations sociales en question.

Il était reproché à la société A. de n’avoir pas effectuées les vérifications imposées par l’article L. 8222-1 du code du travail, lors de la conclusion du contrat, puis de manière régulière tous les six mois, et d’avoir manqué à son obligation de vigilance, à l’égard de la société B. entreprise sous-traitante, qui faisait l’objet de poursuites pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

L’URSSAF d’Auvergne avait adressé à la société A., une lettre d’observations en vue de la mise en œuvre de la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 et suivants du code du travail, aux fins de recouvrement des cotisations et contributions sociales dues, pour les années 2009 à 2011, par la société B., puis, une mise en demeure de payer les cotisations et majorations de retard dues sur la période considérée.

L’enjeu du redressement s’élevait à plus de 170.000 euros.

Cependant, cette somme était présentée dans la lettre d’observations Urssaf, comme « la somme globale des cotisations et contributions sociales ainsi soustraites au cours des années 2009 à 2011 sans indication année par année ».

Grave erreur puisque pour la Cour de cassation, l’absence de ventilation, année par année constituait un manquement au droit de la défense et au caractère contradictoire du contrôle, cette présentation globale ne permettant pas à la société A. de répondre à ces observations (dt ce alors même que la mise en demeure avait bien déterminé année par année le montant de cotisations réclamé).

La Cour de cassation annule la lettre d’observation et la mise en demeure adressées au donneur d’ordre, mettant fin à tout recouvrement.

Ainsi, quand bien même la lutte contre le travail dissimulé et la recherche de débiteurs en capacité de régulariser les sommes découlant des obligations dont se sont exonérés les auteurs d’infractions imposent d’importantes diligences à la charge des entreprises, la Cour de cassation n’entend pas tirer un trait sur les droits de la défense et le respect du contradictoire.

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